Nos nombreux lecteurs impatients devaient sans doute se réjouir de découvrir notre premier récit de voyage, espérant sûrement lire une histoire extraordinaire et pleine de péripéties. Nous comprenons donc votre désarroi en voyant le titre de cette étape : « Jour de repos à Nürnberg, 0 km ». En effet, nous sommes toujours au point de départ de notre marche après le premier jour.
Nous sommes arrivés ici hier après-midi après environ six heures de train depuis Zürich. Nous avions prévu d’y passer une journée afin de visiter un peu la ville et faire une réelle transition entre la vie active et notre nouvelle vie de pèlerins. Il faut dire que ces derniers jours ont été assez épuisants, avec les derniers préparatifs du voyage, les adieux à tout le monde, l’organisation autour de notre appartement, du chat, du courrier, des factures et toutes ces choses qu’il fallait absolument terminer avant de s’en aller. Dimanche, nous nous sommes rendus à Zürich pour assister à un concert de Bruce Springsteen avec les parents de Pascal. Cela nous permettait également de diviser le trajet en train, le rendant ainsi moins pénible pour notre chienne Logan.
Nous sommes donc arrivés hier après-midi et nous sommes promenés un moment dans la ville. En cherchant l’hôtel, nous craignions qu’il n’existe tout simplement pas. Le quartier dans lequel il se situe se révèle tout à fait glauque et délabré, et après avoir aperçu un panneau qui attestait de l’existence de notre logis, nous avions peur de tomber dans un taudis infâme. Que nenni ! L’hôtel est en réalité tout à fait charmant, propre et bien équipé. Nous bénéficions même d’un petit bout de jardin privatif qui s’avère idéal avec Logan.
Ce matin, nous avons été tirés du lit par un virtuose de la trompette qui a décidé de partager son talent avec tout l’hôtel. Je dis « virtuose » pour rester polie. Il devait s’échauffer ou accorder sa trompette (aucune idée si une trompette s’accorde), car il faisait trois notes, puis dix secondes de pause, trois autres notes, une nouvelle pause, encore trois notes, etc. Pendant longtemps… Au début, ça m’a réveillée et j’ai pensé qu’il ne s’agissait que d’une alarme de très mauvais goût. Après la quinzième volée de notes, j’ai commencé à grommeler. Quand il s’est mis à faire des gammes plus longues mais tout autant chiantes, je me suis levée en jurant et en maudissant ce fieffé connard. Pascal aussi a été réveillé par notre ami, mais ça l’a juste fait sourire de penser à ma réaction…
Nous nous sommes donc levés tandis que Monsieur l’Artiste continuait de nous casser les oreilles sans jamais jouer de vraie mélodie et avons fait nos exercices de gainage. (C’est important de préciser cela au cas où Virginie notre physiothérapeute qui nous a donné plein de conseils nous lit.) Nous sommes ensuite sortis sous une pluie battante pour visiter plus en détail le centre-ville.
Nuremberg est une très belle ville, bien entretenue et très animée. Nous avons été surpris par la quantité de magasins et de boutiques et les nombreuses rues piétonnes très fréquentées. Le centre se révèle immense, ceint par une très longue et belle muraille datant du Moyen-Age, et nous nous y sommes promenés pendant environ trois heures. Si la quasi-totalité de la ville a été détruite par les bombardements alliés en 1945, elle a été reconstruite presque à l’identique dans la décennie qui a suivi et il s’avère difficile d’imaginer qu’il y a 70 ans ces belles façades n’étaient plus que cendres et débris. En effet, la violence et la tristesse de la guerre semblent avoir été oubliées ; seules quelques plaques commémoratives rappellent au passant ce tragique passé. Nous avons visité plusieurs églises et avons marché jusqu’au château. En-face de celui-ci se trouve la maison où est né et a vécu Albrecht Dürer. Elle accueille de nos jours un musée dédié au peintre et une statue tout à fait flippante d’un lièvre trône non loin d’elle. Cette statue a été érigée à l’occasion des 500 ans de l’artiste et a été imaginée d’après un de ses dessins. Il y a d’ailleurs plusieurs statues particulièrement effrayantes à Nuremberg, comme la fontaine intitulée « carrousel du mariage », la femme-bateau avec des seins, la fontaine devant une des principales églises dont l’eau jaillit des seins de femmes à moitié nues, etc. C’est un peu particulier à mon goût, mais tout le monde passe devant ces œuvres comme si de rien n’était…
Nous avons ramené Logan en milieu d’après-midi et sommes ressortis pour manger un petit morceau et faire quelques achats. Nous avons ensuite regagné l’hôtel et Pascal a fait une sieste pendant que je me renseignais sur l’étape de demain (la vraie première étape) et que je lisais quelques pages du récit de Sarah Marquis sur la Cordillère des Andes. Je me suis surprise à penser qu’elle était un peu folle de se lancer dans une telle aventure, et ça m’a rappelé ma coiffeuse qui s’était exclamée « Mais c’est horrible ! » quand je lui avais dit que je partais marcher trois mois…