Au sommet

Mes parents qui gardent Logan s’absentaient hier et avant-hier. Nous avons donc marqué deux jours de repos pour prendre soin de notre chienne. C’était également l’occasion de retourner chez le vétérinaire pour qu’il contrôle sa patte. Il s’est montré très enthousiaste et satisfait de la stabilité et de la mobilité du genou. Surtout, il nous a donné le feu vert pour que Logan nous rejoigne en Italie, après les étapes de montagne. Nous devons la garder en laisse encore trois semaines et l’empêcher de courir, sauter ou jouer mais elle peut sans problème marcher à plat sur de longues distances. Nous voilà donc soulagés et réjouis !

De retour dans la bulle

Il nous tardait réellement de reprendre la marche après ces deux jours de pause. Nous nous réjouissions avant tout de repartir pour de bon, sans faire les allers-retours vers et depuis la maison. Depuis une semaine, nous sommes un peu sortis de notre bulle. Nous avons revu nos proches, retrouvé nos marques à la maison, fait les commissions comme d’habitude, etc. Il était temps de nous en aller pour de vrai, deux mois loin du monde et dans l’inconnu.

Trois trains et un bus nous ont reconduits à Liddes, où nous avions terminé notre étape dimanche. Il faisait encore froid quand nous sommes arrivés mais le ciel était entièrement dégagé.

Nous avons marché dans des alpages jusqu’à Bourg-Saint-Pierre, nous retrouvant deux fois coincés dans des prés clôturés. Passer sous un fil légèrement électrifié ne s’avère d’ordinaire pas compliqué, mais avec les gros sacs la contorsion devient vite impressionnante. S’incliner en arrière à la Matrix, avancer les pieds sans se casser la tronche sur l’herbe mouillée et glissante, se prendre du coup le fil au milieu du torse car notre souplesse laisse à désirer et l’inclinaison Matrix ressemble plutôt à un vieillard qui tente de s’étirer le bas du dos. Nous avons une fois arraché deux des piquets qui tenaient le fil alors que nous étions persuadés d’avoir encore de la marge…

Barrage des Toules

A Bourg-Saint-Pierre, nous avons traversé la rivière qui coulait au fond de belles gorges, puis nous avons marché dans la forêt jusqu’au barrage des Toules. Nous marchions sur un petit sentier à droite du lac en montant, contrairement aux véhicules qui roulent de l’autre côté et dont le bruit des moteurs accompagnaient notre progression. Le chemin ne passe évidemment pas au bord du lac et nous a permis de grimper quelques pentes raides juste pour le plaisir de muscler un peu nos frêles mollets. Il y avait alors un vent de face assez violent qui relevait sans cesse les bords de mon chapeau. Des centaines de framboises poussant sur le bas-côté m’ont néanmoins vite fait oublier ce désagrément et nous nous sommes empiffrés avec joie. Avis aux amateurs de confitures : nous avons laissé les fruits moins mûrs qui devraient être prêts à être récoltés d’ici quelques jours !

Nous avons pique-niqué au bout du lac sur des gros rochers qui nous abritaient un peu du vent. Le bruit de la rivière étouffait complètement celui des véhicules, la température était agréable et la vue superbe. Nous nous sommes allongés sur des pierres plus ou moins lisses après avoir dîné et nous sommes reposés un moment dans ce beau décor. Et puis nous sommes repartis à la conquête des framboises et du col.

Alpages

Le chemin nous a menés dans des alpages et des paysages de plus en plus rocailleux. Nous n’avons pas croisé beaucoup de marcheurs et nous nous sentions seuls au monde dans cette sublime vallée. Nous avancions souvent loin de la route et il s’avérait facile de l’ignorer. En faisant également abstraction des lignes électriques, nous nous retrouvions dans un décor de cinéma, héros d’un film fantastique, perdus au milieu de nulle part. Mon imagination débordait, je voyais les Romains venus avec 30’000 soldats, Napoléon avec une armée encore plus conséquente. Je rendais vie à cette maison maintenant en ruine, pensais à ce brave Sigéric qui montait péniblement, ignorant alors que 1000 ans plus tard nous serions des milliers à marcher sur ses pas.

Grand Saint-Bernard

Nous avons aperçu les premiers bâtiments du col alors que nous étions quasiment au sommet. Nos jambes commençaient à rouspéter, surtout que nous portions nos sacs pour la première fois depuis une semaine. Ils sont de plus très chargés car nous avons emmené pas mal de nourriture. Autant dire que nous avons bien senti leur poids sur les 1200 mètres de dénivelé ! La montée est devenue de plus en plus raide sur les dernières centaines de mètres. Nous progressions lentement dans un pierrier et pensions enfin en avoir terminé quand le dernier tronçon est apparu. Vingt mètres qui nous ont paru verticaux. La dernière épreuve, la plus rude, avant d’atteindre finalement le sommet. Nous avions bien géré nos efforts et n’avions presque pas transpiré de l’étape, et voilà que nous parvenions en sueur et essoufflés au sommet à cause de ces vingt petits derniers mètres… En arrivant en-haut, la première chose que j’ai dite à Pascal a été : “Voilà, ça c’est fait ! Je suis contente de savoir que nous n’irons pas plus haut !” Effectivement, nous venions d’atteindre le point le plus élevé de tout notre voyage : 2473 mètres !

L’hospice se trouvait à quelques pas de là et nous y avons été reçus par le frère Frédéric. Il nous a offert un thé et nous avons discuté un peu. Il nous a également donné des entrées pour le musée des chiens juste en face et nous en a fait la promotion avec enthousiasme. Il nous a surtout vanté la qualité du tout nouveau tableau interactif, fort ludique et intéressant. Nous n’avions d’autre choix que d’aller visiter ce musée, mais avant nous devions poser nos sacs et nous laver. Les infrastructures sont vraiment impeccables et de qualité ! La douche était un réel plaisir et nous serions bien restés deux heures sous l’eau chaude si notre conscience nous y avait autorisés. Nous nous sommes ensuite vêtus aussi chaudement que possible et avons été au musée.

Je dois avouer ne pas aimer les saint-bernard, avec leurs babines et leurs yeux qui tombent… Malgré tout, les informations sur eux étaient intéressantes. Le reste du musée abordait plusieurs thèmes : la faune et la flore alpine, l’histoire du col, l’importance des celtes et des romains, etc. Le fameux tableau interactif n’était pas branché, ce qui nous a beaucoup déçus après toute la publicité faite par Frédéric. Il y avait cependant beaucoup d’informations et nous avons fait le tour assez rapidement.

Le souper était commun et nous espérions rencontrer d’autres pèlerins. Cela n’a pas été le cas, mais nous étions attablés avec trois Valaisans et trois Allemands. Ces derniers viennent marcher chaque année dans les Alpes valaisannes et étaient très sympathiques. Nous avons discuté avec eux en allemand sans aucune difficulté, car après un mois en terrain germanophone nous n’avons pas encore réalisé que c’est terminé… Le souper n’était pas incroyable mais demeurait bon. C’est surtout le contexte qui nous a plu car cela fait depuis Einsiedeln que nous n’avons pas partagé de souper avec d’autres marcheurs. Et puis la tarte aux pruneaux en dessert détrône largement celle du col de la Gemmi, qui avait déjà mis la barre haute !