Premier jour en Italie

Nous avons été au lit tôt hier soir, un peu avant 22 heures. Je me suis réveillée ensuite certaine qu’il était l’heure de se lever, prête à aller déjeuner, plus fatiguée du tout. Un rapide coup d’oeil au réveil : 00h44. Ah… Pas tout à fait l’heure en réalité. Je me suis concentrée pour me rendormir rapidement avant de me réveiller bien plus tard. Cette fois, ça devait être le matin. 01h04. Encore raté ! J’avais juste fait une petite sieste. Ce scénario a continué toute la nuit, me faisant un peu perdre patience. A 7h30, quand notre réveil a enfin sonné et que des chants grégoriens ont résonné dans le couloir pour inviter tout le monde à se lever, j’étais parfaitement réveillée et soulagée de pouvoir finalement quitter mon lit !

Le déjeuner commun était à 8 heures. Nous aurions aimé pouvoir manger plus tôt pour prendre la route de bonne heure car une trentaine de kilomètres nous attendaient. L’horaire était toutefois fixe et nous avons veillé à préparer toutes nos affaires avant afin de ne pas perdre de temps ensuite. Nous avons déjeuné rapidement et étions partis à 8h35.

Longue descente

Le chemin passait sur les hauteurs mais nous avons préféré longé le lac et traverser la frontière par la route, encore déserte à cette heure. Après quelques minutes seulement, nous nous trouvions en Italie. Nous avions finalement entamé la dernière partie de notre voyage ! Nous sommes ensuite descendus dans des alpages, d’où la vue sur les montagnes et falaises alentour était magnifique. Les prés étaient secs et parsemés de rochers dans lesquels sifflotaient de joviales marmottes. Nous avons pu en observer deux juste à quelques dizaines de mètres. Elles remuaient leurs postérieurs dodus en courant de caillou en caillou, s’arrêtant de temps à autre pour émettre un petit sifflement strident auquel Pascal répondait joyeusement.

La descente s’est révélée plutôt agréable et jamais abrupte. Nous pouvions avancer d’un bon pas sans craindre d’y laisser une jambe. J’avais enfilé ma genouillère pour ménager mon genou droit et je suis rassurée de ne pas l’avoir senti de toute la journée, malgré les 2000 mètres de descente.

Nous avons été dépassés par Rainer, un Allemand qui courait presque. Le temps que je réalise que c’était le monsieur dont nous avaient parlé les Allemands hier au souper, il avait déjà une dizaine de mètres d’avance sur nous. Je l’ai interpelé : “C’est toi qui viens de Nuremberg ?” Il s’est arrêté et a ralenti. Effectivement, il habite Nuremberg. Nous lui avons appris que nous avions commencé notre marche là et il a levé un sourcil, dubitatif, en nous demandant pourquoi. Nous lui avons simplement répondu : “Pourquoi pas ?” Il allait trop vite pour nous alors la discussion s’est arrêtée là et il a continué son jogging tandis que je ménageais mes pauvres articulations.

Après une heure de marche environ nous sommes parvenus à la hauteur du tunnel. De l’autre côté de la vallée, la route couverte remplaçait alors la simple voie goudronnée qui mène jusqu’au col. Cette galerie de béton imposante gâchait le paysage magnifique que nous avions pu observer jusque là.

Nous sommes parvenus à Saint-Rhemy en même temps que Rainer qui s’était trompé de chemin peu avant et avait dû revenir en arrière. Ce village au maisons en pierres et aux toits d’ardoise annonçait la couleur de tous les petits villages que nous traverserions ensuite. Il semblait cependant bien triste et presque abandonné. Rainer nous a semés alors que nous visitions la petite église trop sombre.

A la sortie du village, nous avons fait une pause sur un joli banc ombragé avant de poursuivre la descente jusqu’à Saint-Leonard. Ce village paraissait bien plus accueillant et vivant, avec ses jolis balcons fleuris et ses façades bien entretenues. Jusqu’à Etroubles, nous avons ensuite suivi un sentier à plat dont les herbes semblaient brûlées par le soleil.

Ru Neuf

Le chemin nous conduisait dès lors le long d’un bisse, très similaire à ceux qu’on trouve en Valais. Le débit d’eau était plus important et le cours d’eau un peu plus large et profond, mais à part cela nous aurions pu jurer par moments que nous étions sur le bisse de Vex. Les montagnes autour ressemblaient aussi beaucoup à celles de chez nous et c’était parfois un peu déroutant. Pour tout dire, nous n’avions pas du tout l’impression d’être en Italie.

Nous avons rejoint Rainer après Echevennoz. Il avait déjà mangé et marche à notre rythme à plat. Nous avons parcouru quelques kilomètres ensemble en papotant. Lui aussi est parti à pied de Nuremberg, une semaine après nous. C’est quand même amusant que le premier pèlerin que nous croisons en Italie et sur la Via Francigena soit un Allemand qui est aussi parti de Nuremberg ! Il n’a cependant pas emprunté les mêmes voies car il est passé par Augsburg et Rorschach avant de suivre la voie suisse des chemins de Saint-Jacques jusqu’à Lausanne, d’où il a rejoint la Via Francigena. Il a donc parcouru bien plus de kilomètres que nous et ce en moins de temps, ce qui nous laisse logiquement penser qu’il fait de plus longues étapes et pas de jours de repos. Je ne pense pas que nous le reverrons souvent : il va sans doute nous distancer assez vite. Il n’est pas très loquace et de prime abord est assez froid. Malgré cela, nous avons passé un bon moment et c’est la première personne autre que Fritz avec qui nous faisons un peu la causette en marchant.

Nous nous sommes séparés quand il a fait une pause pipi et que nous avons trouvé un banc pour pique-niquer. Tous les bancs précédents étaient occupés et c’est à la grotte “Je te salue” que nous nous sommes finalement arrêtés. Il s’agit d’une petite cavité peu profonde, haute de deux mètres environ, recouverte de mousse sur laquelle de l’eau dégouline. Une statue s’y trouve, représentant la Vierge Marie avec Jésus adolescent qui porte une moustache à la YMCA et n’arrive pas au nombril de sa mère, ainsi qu’un bénitier mal en point et pas droit du tout qui déborde puisque l’eau y coule sans cesse. Un petit autel et deux bancs en pierre ont été installés face à la grotte. Il faisait un peu froid à l’ombre et sur le banc en pierre, alors nous n’avons pas fait une très longue pause. Sans doute ne sommes-nous pas restés suffisamment de temps dans ce lieu pour l’apprécier à sa juste valeur…

Aosta

Il nous restait alors deux heures de marche environ. Nous avons quitté le bisse peu après la pause pour descendre sur Gignod. La pente était très raide par moments mais je n’ai ressenti aucune douleur dans mon genou. A partir de là, nous n’avons plus quitté la civilisation, allant de village en village jusqu’à l’entrée d’Aoste. Il nous a fallu encore un peu plus de trois quarts d’heure pour parvenir au centre-ville. Ce n’était pas le tronçon le plus intéressant et il nous a paru long sur la fin. Une fois au centre, nous avons cherché un plan de la ville pour repérer la rue où se trouve le petit appartement que nous avons loué. Nous avons traversé la place centrale avec l’hôtel de ville sans qu’aucune indication ne nous soit utile, avant de trouver un plan complètement tagué à la gare. Par chance, la rue que nous cherchions avait été épargnée par les vandales. Nous avons longé les remparts romains qui entouraient la ville il y a plus de 2000 ans, contourné une tour médiévale qui défendait une porte d’accès et sommes finalement parvenus à la bonne rue. Sauf qu’il n’y avait aucune mention de l’hôtel nulle part… J’ai appelé le numéro que nous avions et une femme m’a répondu. Elle paniquait car elle était encore au travail et n’arriverait pas avant une demi-heure. Elle m’a répété au moins cinq fois : “Mais vous aviez dit que vous arriveriez entre 17 et 18 heures !” Il était 16h55… Nous avons donc convenu d’un point de rendez-vous et Pascal et moi avons bu un thé froid en l’attendant. Cela nous embêtait un peu car nous étions fatigués et nous aurions préféré pouvoir nous doucher et nous changer avant de nous poser un moment. Mais bon… Elle est finalement arrivée et nous a conduits à notre petit appartement. Il est très bien équipé et se situe très proche du centre ; il conviendrait tout à fait pour des vacances de plusieurs jours.

Nous avons fait un petit tour en ville un peu plus tard. Plusieurs vestiges romains sont encore visibles et bien conservés. Les murailles, l’amphithéâtre, des ruines de maisons, etc. De très nombreuses églises ont enrichi le patrimoine au fil des siècles, ainsi que les tours et portes médiévales. Les rues commerçantes sont piétonnes et très fréquentées. Elles respirent l’Italie. Enfin nous nous sentions à l’étranger !