Découverte de la Suisse lointaine

En raison de la situation un peu particulière de ces derniers mois liée au Coronavirus et la fermeture des frontières, nous avons adapté nos plans de voyage. Notre escapade de six semaines en Angleterre pour manger des toasts et être portés par la brise marine légère a été remplacée par une virée de deux semaines en Suisse lointaine - plus communément appelée Suisse allemande - pour goûter des fromages et être portés par nos gambettes sur des sommets toujours plus élevés. Parmi les sept itinéraires nationaux qui sillonnent le pays de long en large, nous avons choisi le numéro 3, à savoir le chemin panorama alpin qui relie le lac de Constance au lac Léman. Pour ce périple, ma petite soeur Isabelle nous accompagne. Il s’agit de sa première expérience de randonneuse (si on exclut la demi-étape qu’elle avait parcourue à nos côtés lors de notre voyage pour Rome et ses quelques promenades d’école).

Nous avons voyagé hier en train jusqu’à Saint-Gall et avons rejoint ce matin Rorschach pour débuter notre aventure. Cette ville se situe sur les bords du lac de Constance, au Sud, à quelques kilomètres de l’Autriche. Nous avons choisi de ne pas trop y flâner et avons rapidement entamé l’étape le long du lac. Après un kilomètre, le chemin quittait les rives pour monter dans les pâturages. L’ascension s’est révélée assez raide et nous avons vite pris de la hauteur, jusqu’à atteindre une forêt enchantée après le château de Wartensee.

Heiden

Nous avons ensuite longé la voie de chemin de fer et avons traversé un ravin dans les bois avant d’atteindre Heiden. Cet ancien centre de cure était très réputé en Europe au début du siècle dernier. Ce prestige se lit aujourd’hui encore, notamment dans l’architecture d’époque parfaitement préservée et magnifiée. Tout semble très propre et entretenu, des dizaines de bancs offrent des aires de repos bucoliques, généralement à moins de deux mètres d’une poubelle avec distributeurs de sacs pour déjections canines. De nombreux commerces sont également présents et les panneaux de randonnée signalent des dizaines d’itinéraires.

Il était alors midi et nous avions parcouru la moitié de l’étape. Nous avons fait une pause sur la place centrale, entourés de bâtiments superbes et face à la fontaine élue plus belle fontaine de Suisse il y a quelques années (nous ne l’avons pas photographiée car nous l’avons trouvée quelconque…).

Après la pause, nous avons décidé de poursuivre l’ascension jusqu’au point le plus haut de l’étape avant de nous arrêter pour dîner. Nous avons quitté le village en passant devant des maisons toutes plus charmantes les unes que les autres, avec des jardins entretenus à la perfection, des voitures rutilantes parquées exactement dans les lignes, des volets et façades fraîchement peints, des fleurs partout et des habitants très cordiaux. Tout était parfait. On aurait dit un village Playmobil avec des maisons neuves et du gazon coupé aux ciseaux, des petits personnages souriants sans souci et étrangers à toute forme de violence. Parfaitement parfait. Le genre d’endroit que nous aurions traversé avec un sourire niais et candide, emplis de bienveillance et d’amour, si ça s’était révélé plus plat. Au final nous étions trempés de sueur et un peu essoufflés, mais bienveillants néanmoins.

Kaienspitz

Une fois quittées les dernières maisons idéales, le chemin continuait dans les alpages jusqu’au Kaienspitz. Certains tronçons étaient très pentus, mais heureusement pas trop longs et séparés par des bouts plus plats où nous pouvions reprendre notre souffle et admirer la vue sur le lac et les villages en contrebas. Arrivés presque au sommet, à la lisière d’un bosquet, nous avons choisi de nous arrêter pour la longue pause de midi. Nous avons pique-niqué entre de très longs conifères, sur des bancs judicieusement disposés. Isabelle avait décidé de pimenter le repas avec des bonbons Harry Potter ramenés d’Angleterre, dont les arômes aléatoires réservent quelques surprises. Quand nous avons repris la route, Pascal et elle toussaient encore après en avoir eu un au cérumen…

Nous avons traversé le bois sur un sentier couvert d’épines très agréable. De l’autre côté, le panorama s’est révélé encore plus saisissant, avec une vue à presque 360°. De jolies collines verdoyantes avec des pâturages nous entouraient de toute part, parsemées de villages aux toits de brique et dominées par les sommets escarpés et imposants des Alpes. A droite, le lac s’étendait et les rives autrichiennes et allemandes se dessinaient en arrière-plan.

Maisons appenzelloises

Durant la descente après le sommet, nous avons aperçu de nombreuses fermes et maisons isolées, ainsi que traversé le village de Rehetobel. A nouveau, nous avons été frappés par l’apparence parfaite de toutes ces demeures, qui ont été entretenues depuis des siècles ou alors construites selon des méthodes ancestrales. Il en ressort une belle unité architecturale, exempte de bâtiments modernes. Les maisons sont en bois, avec des façades en tavillons, très colorées et parfois ornées de fresques, avec des multitudes de fenêtres accolées et plusieurs étages assez bas. Nous avons été étonnés de constater qu’aucune ne comporte de volets : les Appenzellois doivent sans doute vivre au rythme du soleil…

Nous avons marché dans de nombreux alpages, croisant souvent les fermiers faisant les foins et oeuvrant dans leurs champs. Nous avons parfois eu des doutes quant à l’itinéraire puisque la piste était recouverte d’herbe coupée et que nous ne voyions nullement où passer, mais les panneaux suivants étaient généralement repérables et nous avancions dans leur direction.

Une fois parvenus à une petite rivière au doux nom écossais (Chastenloch), la route remontait sévèrement jusqu’à Trogen. Il s’agit du village où se tenait auparavant la Landsgemeinde du canton d’Appenzell Rhodes extérieures, et sa grande place est ceinte d’immeubles impresionnants de par leur taille et leurs décors. Malheureusement, la place est en travaux et notre visite s’est révélée très brève. Nous avons rapidement quitté le centre pour rejoindre notre hébergement vétuste.