Nous avons quitté l’hébergement vers 8h30 et acheté un déjeuner dans le petit magasin en face, peu enclins à suivre les conseils de notre hôte qui nous avait recommandé une boulangerie dans le village suivant, à 25 minutes à pied et en dehors de notre itinéraire…
Rapidement, nous avons délaissé les dernières maisons de Trogen pour gambader dans des alpages et sur des collines offrant de très belles vues. Au moment de traverser un pré où paissaient paisiblement quelques vaches, Logan a décidé de les exciter en aboyant. Voilà donc qu’une vache se décide à courir à notre rencontre, dévalant avec fougue la pente. J’ai aussitôt rebroussé chemin avec empressement et couardise, tandis que Pascal tenait ouvert le portique. Une fois hors de danger, nous étions bloqués et fort empruntés avant le champ, dévisagés par des vaches agacées et menaçantes. Nous sommes revenus sur nos pas pour trouver un passage dans la forêt voisine dudit pré, que nous avons longé en narguant les ruminants qui nous suivaient du regard. Un regard affamé et terrifiant. Nous avons ensuite pu emjamber la clôture non sans risque à l’autre bout de l’enclos, au grand dam des bêtes féroces qui voyaient ainsi s’éloigner intact un goûter fort appétissant.
Une fois remis de nos émotions, nous avons repris la marche. Au pré suivant, nous avons évité au mieux les vaches et veaux, tenant Logan fermement et détournant son attention des mugissants à l’aide de croquettes. La suite de l’étape s’est ainsi déroulée sans grandes péripéties et nous en sommes bien navrés pour nos lecteurs.
La descente sur Bühler s’est avérée très raide et nous avons choisi de faire une pause dans ce village, dans une belle aire de jeux pour enfants. Le chemin remontait ensuite dans les alpages, où nous avons aperçu d’autres randonneurs et un fermier volubile. Ce dernier nous a raconté quelques blagues auxquelles nous avons ri de bon coeur, bien que nous n’ayons pas compris un traître mot de son dialect appenzellois. Le guide que nous avons indique que les autochtones n’ont pas leur langue dans leur poche et sont friands de blagues grivoises, mais Pascal affirme que c’était un gag sur un tracteur sans le moindre sous-entendu…
Nous avons quitté le canton d’Appenzell Rhodes extérieures pour Appenzell Rhodes intérieures en pénétrant dans la large vallée de la ville d’Appenzell, réputée pour le fromage Appenzeller et l’Appenzeller à boire. Concrètement, nous n’avons pas relevé de différence notoire entre ces deux régions : tout semble parfait, les fermes sont colorées et traditionnelles, les champs recouvrent la majorité du territoire et les vaches sont beiges et ravissantes. Les chemins de randonnée sont nombreux et ils alternent agréablement entre pâturage, route tranquille et forêt. Il y avait aussi toujours une multitude de bancs placés judicieusement face à des panoramas splendides. Néanmoins, au moment où nous avons décidé de faire une pause, le banc idéal était occupé par d’autres marcheurs et nous avons dû nous contenter du banc suivant. Nous avions alors une vue imprenable sur le mur d’une chapelle, tandis que les paysages à couper le souffle s’étendaient dans notre dos… Nous n’y sommes donc pas restés très longtemps et avons poursuivi la descente jusqu’à Appenzell.
Cette ville est réputée pour ses maisons multicolores ornées de fresques. Le centre est effectivement pittoresque et très soigné, mais malheureusement bien trop touristique. Il comporte une multitude de boutiques de spécialités de la région (biberli, saucisses et charcuteries, liqueurs, fromages…), de cafés et restaurants et de magasins de souvenirs, affichant tous des prix astronomiques. Nous avons dû y faire quelques courses en prévision des étapes de demain et après-demain, et nous avons toussé en voyant l’addition. Au final, nous avons décidé de ne pas nous attarder dans le centre bondé de touristes et avons trouvé un joli parc non loin de la gare, où nous nous sommes arrêtés pour dîner.
La dernière partie de l’étape a duré une heure et demie environ, entre forêts et pâturages. La progression était compliquée dans les alpages car les foins avaient été fauchés et recouvraient le sol, nous forçant à lever haut les chaussures pour ne pas entraîner de touffes d’herbe dans notre sillage et dissimulant le chemin. Un promeneur avançait à une centaine de mètres devant nous, alors nous l’avons suivi, bien qu’ignorant complètement s’il se rendait au même endroit. Au final, il s’est orienté correctement et nous a conduits à son insu jusqu’à une petite route avant de bifurquer dans un bosquet. Livrés à nous-mêmes, nous avons ensuite eu un doute quant à l’itinéraire. Le panneau semblait indiquer qu’il fallait traverser un champ, mais celui-ci était en train d’être fauché et nous n’apercevions ni la piste ni une prochaine balise. Nous avons alors préféré continuer sur la route. Comme nous ne savions toutefois pas si cette route menait au même endroit, nous avons rapidement vérifié sur le GPS. Elle conduisait bien à notre hôtel et constituait une alternative plus ou moins équivalente au tracé officiel, alors nous l’avons suivie.
Notre hôtel se situe à Kaubad, au milieu de nulle part. Il s’agit d’une très grande demeure typique de la région, avec ses nombreuses fenêtres et sa façade en bois. L’intérieur a été décoré il y a quelques décennies déjà, mais tout semble propre et fonctionnel et les tenanciers sont très sympathiques. Après une douche fort agréable, nous avons bu une bière sur la terrasse en profitant du beau temps, même si à cette altitude les températures sont fraîches.
Isabelle a, à son insu, élucidé le mystère des volets en cassant ceux de sa chambre. Ils sont en réalité insérés dans les façades des maisons et ainsi invisibles de l’extérieur. Il convient de tirer avec délicatesse sur une lanière en cuir pour les descendre, ce qu’Isabelle ignorait. Elle a donc tiré par curiosité sur la lanière devant sa fenêtre : le volet est tombé avec une telle violence que la lanière a cédé. Nous en avons conclu que les stores à guillotine appenzellois sont certes ingénieux et pratiques, mais légèrement dangereux…