Serpents et dragons

Nous voilà partis pour un nouveau périple à pied dans des contrées lointaines, inconnues et hostiles ! Soit, elles sont peut-être autant hostiles qu’un chaton édenté, mais l’épithète me semblait plus accrocheur que “ravissantes” ou “enchanteresses”. Le peuple veut du sang. Et puisque ce premier épisode incluera déjà des serpents et des dragons (sans compter les Autrichiens !) barbares et à la gueule pleine de crocs acérés, l’hostilité des lieux peut sans conteste être mise en avant.

Nous avons accompli hier la majeure partie du trajet et nous sommes arrêtés à Salzburg, ville absolument époustouflante qui méritera qu’on y retourne plus longuement. Ce matin, nous avons repris le train pour un peu moins de deux heures jusqu’à Mallnitz. Officiellement, l’Alpe Adria Trail débute au pied du Grossglockner, point culminant de l’Autriche malgré ses ridicules 3798m, mais comme le temps nous manquera pour parcourir l’itinéraire intégralement, nous avons choisi de commencer à la sixième étape.

Gorge de Rabisch

Depuis la gare, nous avons rapidement rejoint le tracé du chemin. Celui-ci descendait de façon abrupte le long d’une rivière tumultueuse dont les violentes cascades grondaient dans le bois. Parvenus à un pont, nous avons eu des doutes quant au chemin à suivre car les panneaux indiquaient des destinations incohérentes. Le temps de réfléchir et d’analyser la petite carte du guide, nous avons pu observer une jolie couleuvre qui piquait un somme sur un vestige de pont à quelques mètres de nous. Nous avons finalement suivi la balise de l’Alpe Adria Trail et avons été surpris quelques kilomètres plus loin de découvrir que nous nous trouvions sur une variante de ce chemin. Il nous semblait impossible d’avoir raté un embranchement mais visiblement nous y sommes parvenus… Malgré tout, nous sommes également parvenus à Obervellach.

Obervellach

Le village est tout à fait charmant et chaque maison possède un jardin parfaitement entretenu avec des pelouses et des massifs de fleurs impeccables. Les façades ne sont ni effritées ni délavées, les balcons en bois sont ornés de torsades ou autres fioritures et les habitants de ces demeures proprettes sont d’une courtoisie inégalable. La rue centrale est bordée de maisons anciennes merveilleusement restaurées et colorées, en contrebas d’une église ravissante au cimetière fleuri et paisible. J’aurais aimé comparer ce village à l’insupportable élève modèle dont la perfection est à la fois crispante et écoeurante mais je suis contrainte d’admettre qu’on s’y sentait fort bien… 

Puisqu’au centre tous les commerces étaient fermés (Sonntag = Ruhetag), nous avons continué à marcher. A la sortie du village, nous avons aperçu les toboggans d’une piscine et avons songé qu’il y aurait certainement un restaurant ou une buvette qui servirait des frites à ces mômes hilares et pleins de chlore. Nous avions raison sur un point : il y avait bel et bien un restaurant, mais tort sur les deux autres : il servait des salades et les enfants blonds étaient aussi silencieux que des taupes décédées.

Falkenstein

Après le repas, nous sommes montés sur le coteau et avons rapidement rejoint une intersection où les panneaux nous paraissaient à nouveau étranges. Le chemin officiel partait à gauche vers des villages qui ne figurent pas dans notre guide, tandis que le panneau de droite mentionnait Falkenstein où nous devions passer. Puisqu’aucune durée ou distance n’était précisée, nous avons décidé de suivre le tracé officiel. Cependant, après 300 ou 400 mètres en montée et dans la direction opposée à notre destination, nous nous sommes dit qu’il valait mieux revenir sur nos pas. Nous avons ainsi rejoint une petite route puis des sentiers forestiers relativement plats et directs jusqu’à l’imposant château de Falkenstein, que le chemin officiel rejoignait également par une descente raide que nous étions ravis d’avoir évitée. Ledit château possède un donjon orné d’un chapeau en bois plein de tourelles menaçantes. Il est aisé d’imaginer que de nombreux chevaliers, aussi preux et téméraires furent-ils, s’y sont retrouvés emprisonnés au fil des siècles, gardés par des dragons féroces à l’haleine fétide et terrorisés la nuit par les hurlements lugubres des fantômes de leurs prédécesseurs. Un lieu idéal pour faire une pause et savourer une pomme !

Danielsberg

Le chemin descendait ensuite gentiment jusqu’à des petits patelins insignifiants mais toujours parfaits, avant de pénétrer dans une forêt très belle où de nombreux espaces ont été aménagés pour les animaux et les marcheurs. Le seul point négatif, c’est que la personne qui a tracé la voie devait avoir le mollet particulièrement affûté et a dû penser qu’il était inutile de s'embarrasser de virages quand il était possible d’aller tout droit. C’était donc très direct mais surtout très raide jusqu’au sommet, que nous avons atteint en sueur et essoufflés.

L’hôtel où nous dormons se situe au bord d’un étang charmant et possède des chambres dignes de Sissi. C’est d’un kitsch remarquable ! Nous n’avons malheureusement pas pu manger là, puisque nous sommes arrivés vers 16h45 et que le restaurant fermait à 17h. Vive les peuples germaniques ! Nous avons donc bu une bière sur la terrasse idyllique et pique-niqué sur notre petit balcon fleuri.