Dans la forêt casentinese

Les prévisions météo annonçaient un temps plus ou moins similaire à celui de la veille, à savoir du beau temps le matin et des averses l’après-midi. Encore un peu traumatisés par nos péripéties d’hier, nous avons décidé de partir tôt et de progresser rapidement afin d’arriver au plus vite et éviter au maximum la pluie.

Grâce à la carte très précise que nous avons achetée à Florence et qui liste tous les chemins de randonnée, nous pouvons librement composer nos itinéraires. Nous avons choisi aujourd’hui de dévier un peu de la Via di Francesco puisque nous faisons des étapes différentes de celles proposées et n’avons ainsi pas besoin de rallier certains villages où nous ne dormons pas.

Nous avons entamé la journée par une longue ascension puis une descente dans la forêt du parc national du Casentino. C’était magnifique ! Le sol tapissé de feuilles mortes rouges contraste avec les troncs clairs et les fougères d’un vert électrique. De nombreux ruisseaux sillonnent les bois et il est aisé d’imaginer que des milliers d’animaux habitent ces lieux. Nous avons d’ailleurs aperçu une jolie salamandre et deux hardes de biches peu farouches. Les arbres sont quant à eux immenses et s’élèvent droits comme des i vers le ciel. Ils ont d’ailleurs été utilisés pendant longtemps pour la construction d’édifices importants comme la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence (ai-je précisé que je la trouvais très belle ?) ou encore comme mâts de bateaux. Toute la zone est désormais protégée.

Eremo di Camaldoli

Nous avons atteint l’ermitage de Camaldoli vers 10 heures. Il s’agit d’un petit complexe monastique encore actif et fondé il y a un millénaire. Nous y avons bu un café et fait le tour du propriétaire. Nous étions visiblement arrivés en même temps qu’un groupe particulièrement pénible dont chaque membre filmait ou photographiait absolument tout. Il nous fallait donc attendre pour entrer dans l’église afin qu’un type réussisse sa prise où il jaillissait du portique téléphone en main pour capturer la sortie vers la lumière et l’apparition de l’église. Ensuite tous voulaient photographier la porte de la cellule de Saint Romuald l’un après l’autre, obstruant ainsi l’entrée, insensibles à notre présence. Nous avons un peu joué des coudes pour y pénétrer et observer la paillasse et le bureau rustique dudit Saint, et tant pis si tous ces influenceurs devront couper nos corps angéliques de leurs superproductions…

Badia Prataglia

Nous avons poursuivi dans la forêt jusqu’à Badia Prataglia, un grand village avec plusieurs commerces d’alimentation. Nous avons pu y faire quelques courses et nous sommes installés sur un banc bien abrité dans un petit cabanon pour dîner. Il est difficile de réaliser que nous sommes en Toscane, car les maisons en pierres grises semblent des refuges de haute montagne et paraîtraient plus à leur place dans la Vallée d’Aoste. Evidemment, elles sont parfaitement adaptées aux hivers rudes qui doivent se succéder ici mais cela ne colle pas avec les images de collines aux cyprès, vignes et champs de blé qui viennent en tête lorsqu’on pense à la Toscane.

Durant la pause, nous avons étudié les options qui s’offraient à nous pour la suite de l’étape : le chemin officiel passait dans la forêt sur des sentiers de randonnée avec un hameau à mi-distance, une seconde option reliait trois patelins avec de petites routes. En voyant les nuages noirs s’accumuler à l’ouest et s’approcher rapidement, nous avons préféré l’option sur la route. De cette manière, nous pourrions avancer plus rapidement et éviterions d’être trempés par les herbes et les branches en cas de pluie. Les plus nombreuses habitations nous offriraient en sus plus de possibilités de nous abriter.

Au final, nous n’avons essuyé qu’une courte averse mais il a commencé à pleuvoir plus longtemps à peine avions-nous poussé la porte du gîte. Nous n’y aurions pas échappé en suivant la voie officielle.

Biforco

Nous sommes arrivés vers 15h30 et avons rapidement trouvé le gîte dans ce charmant petit village de 300 habitants. La propriétaire, enseignante, était absente mais avait laissé la porte ouverte pour que nous puissions nous installer. La maison est pluricentenaire et comporte encore de nombreux éléments très anciens, comme son escalier en pierre, les poutres au plafond ou les briques au sol. D’autres marcheurs occupent les chambres voisines.

Après une bonne douche et une lessive à la main, nous avons entrepris un tour du hameau. Nous buvons actuellement une bière dans le circolo du village, un bar-épicerie tenu bénévolement par les habitants. Nous avons rédigé quelques cartes postales sur la table collante tandis que les villageois les plus anciens s’étripent à la table d’à côté autour d’une partie de cartes. Dehors, les averses laissent gentiment place au ciel bleu et les oiseaux recommencent à pépier. Logan dort profondément entre nos chaises. Tout va bien.