L’étape du jour pouvait être réalisée de deux manières : la variante officielle compte 36 kilomètres avec un dénivelé de +1750m et -1850m et une variante propose un parcours de 26 kilomètres avec un tiers du dénivelé. L’unique raison de cette distance immense est le passage à l’ermitage de Montecasale où s’est rendu Saint François, mais comme il n’y a rien d’autre sur la route il s’avère compliqué de scinder l’étape. Nous avons hésité pendant environ quatre secondes, le temps de ricaner un peu, puis avons préféré l’option plus courte et plus plate. Tant pis si nous ne voyions pas les crânes de voleurs convertis par François et exposés dans une chapelle…
Après un déjeuner dans la tour, nous avons dit au revoir à Paolo et nous sommes mis en route. Notre itinéraire débutait par une ascension raide dans la forêt puis une descente jusqu’à un ruisseau sur un sentier parcouru par un nombre incalculable de biches ou autres animaux à sabots. Nous avons ensuite suivi un chemin pourtant bien balisé mais très peu fréquenté au vu des nombreuses ronces qui griffaient nos délicats mollets. Ce sentier courait le long d’un grillage sur lequel des panneaux alertaient d’un danger de mines. Nous sommes restés bien sagement sur la piste tracée et nous sommes réjouis lorsque nous avons retrouvé une petite route à l’apparence plus inoffensive à la sortie du bois.
Peu après, nous avons atteint un joli plateau dont le chemin de pierres blanches était bordé de buissons fleuris tout à fait époustouflants. Il y en avait de toutes les couleurs, les abeilles bourdonnaient et tous les trois pas je m’exclamais : “Mais comme c’est beauuuuu !” Au milieu d’un tel décor, nous n’avons nullement regretté notre choix d’itinéraire et avons estimé que voir ces milliers de fleurs était largement préférable aux crânes des voleurs.
Après avoir rejoint une route et traversé un long pont, nous devions suivre un sentier qui descendait sur notre gauche. Il était bien balisé, jusqu’à un embranchement où deux options s’offraient à nous sans que nous ne voyions plus la moindre flèche. Soit il n’y en avait pas, soit ce que nous craignions depuis un moment se confirmait : la couleur verte est à éviter lors de balisage en forêt… Quoi qu’il en soit, nous avons décidé de suivre la voie de droite. J’ignore ce que réservait celle de gauche mais à mon avis c’est celle-ci que nous aurions dû emprunter. Dans le cas contraire, les personnes qui ont décidé de faire passer un chemin là devraient être écartelées sur la place publique.
Rapidement, nous nous sommes retrouvés contre un grillage dont le sommet en fils barbelés se déployait juste au-dessus de nos têtes. Nous ne voyions pas loin mais visiblement d’autres idiots étaient passés là avant nous, puisqu’une piste était visible dans la végétation dense qui s’appuyait contre la clôture. Nous avons décidé de la suivre, espérant qu’après quelques mètres nous retrouverions un chemin digne de ce nom. Cela n’a pas été le cas. Au contraire, nous nous sommes retrouvés une nouvelle fois dans des tas de ronces et nos mollets criaient “ouille ! ouille ! ouille !” tandis que nous exprimions des pensées moins polies. Je vois déjà le lecteur affligé qui se demande pourquoi nous n’avons pas simplement rebroussé chemin au lieu de gambader dans des ronces sous des fils barbelés et il me semble avoir le droit de me défendre. Premièrement, nous n’avions pas grande idée de ce qui nous attendait mais nous savions combien de ronces il y avait derrière nous. Nous nous disions que dans quelques pas nous serions sortis de cette galère et plus nous faisions de pas dans ladite galère, moins nous avions envie de refaire ce chemin en sens inverse. Ensuite, nous ne pouvions pas être certains que le chemin de gauche aurait été plus accueillant. Enfin, dans toutes les histoires les héros font des choses stupides pour amener des péripéties et agacer le lecteur. Et ma foi, dans cette histoire, ce sont nous les héros.
Malgré tout, nous avons retrouvé l’itinéraire (si nous estimons l’avoir momentanément perdu durant le paragraphe précédent) le long du Tibre. Nous avons longé ce fleuve sans l’apercevoir sur des berges toutes droites et encore plus plates. Heureusement, de nombreux arbres apportaient de l’ombre et nous avons ainsi parcouru agréablement plusieurs kilomètres.
Parvenus à la ville de Santa Fiora, nous avons dû suivre une grosse route très passante car un seul pont traverse le Tibre. Malgré le nombre plutôt conséquent de pèlerins, personne n’a eu l’idée de faire des trottoirs. Nous avons ainsi dû marcher pendant quelques centaines de mètres sur le bord de la route, espérant qu’aucun conducteur distrait ne fasse d’écart. Bienvenue en Italie !
Après le pont, nous avons préféré continuer le long de la route car des trottoirs étaient apparus alors que le chemin pédestre la quittait. L’itinéraire empruntait un sentier en gravier mais Logan n’est pas à l’aise sur ce genre de sol qui lui fait mal aux pattes. Rapidement, nous avons rejoint le centre-ville et notre hébergement.
La ville a conservé de très nombreux édifices médiévaux ou renaissants. Ses ruelles sont bordées de palais et d’églises et ceintes d’une muraille. Il s’agit du lieu de naissance du peintre Piero della Francesca mais nous sommes arrivés trop tard pour aller visiter le musée qui expose plusieurs de ses œuvres. Nous nous sommes simplement baladés et avons été étonnés du nombre de boutiques, bars et restaurants que compte le centre. Cette ville a l’air particulièrement dynamique et plaisante !