Les deux visages de Spoleto

L’étape du jour s’est avérée paisible et agréable, sans grand événement. Nous avons progressé tranquillement entre oliveraies et forêts, suivant des sentiers pittoresques qui montaient et descendaient entre des hameaux, quelques habitations éparses et des exploitations agricoles.

Nous avons atteint un château mais ce dernier était malheureusement privé, puis nous avons fait une brève excursion par la plaine, surpris de nous retrouver aussi bas en émergeant d’une épaisse forêt. Un peu plus tard, un couple savourant un café sur sa terrasse nous a interpellés, indiquant que notre chien semblait assoiffé. Nous leur avons expliqué que nous lui avions donné à boire moins d’un kilomètre plus tôt mais ils ont insisté et le monsieur s’est empressé d’apporter une écuelle d’eau. Nous avons papoté quelques minutes avec eux, essentiellement au sujet de Logan, et en repartant nous avons souri en pensant qu’à nous ils n’avaient pas proposé un verre d’eau.

Au village suivant, nous souhaitions faire une pause mais il n’y avait pas de bar. Une jolie aire de pique-nique ombragée aurait pu convenir si ce n’est pour le minable cabot voisin qui s’époumonnait en voyant Logan. Son propriétaire est sorti et lui murmurait “basta, basta”, comme on tente d’endormir un nouveau-né. Curieusement, cette autorité exemplaire n’a pas eu le moindre effet sur le petit roquet et après quelques minutes nous avons remballé nos affaires et repris la route. Au village suivant, plutôt décrépit, toujours pas de bar mais une nouvelle aire de repos cette fois-ci sans voisin bruyant. Nous y avons pique-niqué tranquillement et, au moment de repartir, le drame. Logan boitait. Stupeur. Nous avons inspecté sa patte et n’avons rien remarqué de flagrant. Nous ne l’avions pas vue faire de faux mouvement non plus, aussi avons-nous pensé qu’elle avait mal aux coussinets en raison des routes blanches aux petits gravillons, abrasifs sous ses pattes. Evidemment, nous nous trouvions au milieu de nulle part mais il ne restait que quelques kilomètres jusqu’à Spoleto, notre destination. Nous avons décidé d’avancer tranquillement jusqu’à l’entrée de la ville et de prendre un bus pour le centre si nous en voyions un.

Spoleto la moche

Après un passage en forêt, nous avons traversé le joli village d’Eggi avant de poursuivre sur une petite route jonchée de déchets. Nous étions surpris de ne pas voir le moindre immeuble, puisque Spoleto compte environ 40’000 habitants et que les panneaux de randonnée indiquaient qu’il ne restait que quelques centaines de mètres à parcourir. Finalement, nous avons aperçu un chenil, longé une zone militaire semblant désaffectée et contourné un hôtel qui semblait abandonné et sur le point de s’écrouler mais qui était bel et bien ouvert. Bienvenue à Spoleto ! La rue que nous avons empruntée était du même acabit et nous avons de la peine à croire que les nombreuses boutiques à louer trouveront un repreneur.

Le balisage n’était pas très clair et nous faisait quitter cette rue laide pour une grande route périphérique sans trottoir. Nous avons un peu improvisé et sommes parvenus à rejoindre le centre historique où se situe notre hôtel.

Spoleto la belle

La vieille ville de Spoleto est stupéfiante. Elle est composée de bâtiments et vestiges de toutes les époques, avec un théâtre et un amphithéâtre romains, des remparts, un château et une myriade d’églises et chapelles. Ses ruelles pavées et pentues abritent de nombreuses galeries d’art et boutiques d’artisans, ses places accueillent des terrasses animées et la chapelle à deux pas de notre hôtel est visiblement le quartier général des trafiquants de drogue du coin puisqu’un jeune homme faisant le guet nous a empêché d’y entrer, expliquant qu’elle était fermée alors que nous voyions bien que la porte était ouverte.

La cathédrale présente une façade atypique et majestueuse, percée de huit rosaces. Rien qu’elle vaut un détour par Spoleto. A l’intérieur, les fresques aux tons pastels et visages doux de Lippi sont enchanteresses et le carrelage artistique et géométrique du sol est magnifique. Dans une chapelle latérale sont conservées plusieurs reliques mais surtout une lettre manuscrite de Saint François. C’est assez insensé de penser que ce petit monsieur l’a rédigée il y a plus de 800 ans et qu’elle est encore presque intacte.