Nous avons quitté l’appartement vers huit heures, faisant une brève halte pour boire un café en ville car la vaisselle à disposition dans l’hébergement était très sale et nous n’avions pas envie de nettoyer les crasses des dix précédents locataires. Il s’avérait inutile de partir plus tôt car les deux monastères situés quelque deux kilomètres plus loin n’ouvraient qu’à neuf heures. Devant celui de Santa Scolastica, nous avons retrouvé nos compères d’hier soir. Ils nous ont indiqué qu’une visite guidée allait commencer, mais après renseignement et sans grande surprise nous n’avions pas le droit d’y emmener Logan. Puisqu’il n’était pas possible de découvrir ce lieu de manière indépendante, nous avons repris la route et sommes montés jusqu’au monastère de San Benedetto. Celui-ci a été érigé autour de la grotte où Benoît a vécu trois ans en ermite, le Sacro Speco, et est accroché à une falaise verticale. C’est absolument impressionnant et magnifique !
Deux églises superposées avec de superbes fresques ainsi que le Sacro Speco sont accessibles au public. Tandis que l’un de nous patientait dehors avec Logan, l’autre visitait les lieux en se frayant un chemin parmi les classes de collégiens visiblement peu intéressés par l’art sacré, les miracles de Saint Benoît ou les voûtes romanes. Nous avons également résolu un mystère en demandant à la dame de l’accueil si elle savait de quoi parlait le monsieur de Cantalice qui nous avait dit de demander à voir le corbeau de Saint Benoît (voir l’étape de Poggio Bustone à Rieti). En discutant avec Vincent hier, il avait également rencontré ce brave homme qui lui avait parlé longuement. Vincent avait cependant compris qu’il fallait demander à voir le corps de Saint Benoît et non pas le corbeau. Rien ne faisait réellement sens et c’est pourquoi j’ai demandé des précisions à la dame, qui m’a expliqué que des corbeaux étaient effectivement gardés dans une cage du monastère mais que ce n’était plus le cas depuis 25 ans. Elle ne comprenait pas en quoi voir une cage vide pouvait intéresser qui que ce soit et pensait d’ailleurs que celle-ci n’avait pas été conservée. Je ne pouvais pas lui donner tort.
Nous avons ensuite fait demi-tour et nous sommes engagés sur un long tronçon d’une dizaine de kilomètres le long de l’Aniene. Bien que la route était paisible et agréable et que le décor était plutôt bucolique avec ses forêts et cette belle rivière tranquille aux eaux limpides, nous avons trouvé cette partie très monotone. A part un ancien moulin, un pont médiéval et deux tables de pique-nique, il n’y avait pas grande stimulation. Nous avons croisé quelques marcheurs faisant partie d’un groupe venu de Milan et pour qui il s’agissait de la première étape. L’un d’eux semblait en grande difficulté et nous trouvions triste que ses camarades l’aient abandonné en queue de peloton. Heureusement, il les a rejoints au moulin et quand nous l’avons revu plus tard il était accompagné d’un autre homme.
Nous avons mangé sur une très belle clairière au bord de l’eau où Logan a pu s’ébattre joyeusement. Peu après, nous avons quitté les rives de l’Aniene et atteint une route. Un léger détour nous a menés jusqu’à la cascade de Trevi, qui tombe dans un petit lac idyllique au milieu d’une forêt vierge. A l’époque des Romains, 200’000 litres d’eau étaient transportés quotidiennement jusqu’à Rome depuis la source de l’Aniene grâce à un aqueduc long de 87 kilomètres. Il reste quelques vestiges de ces infrastructures près de la cascade.
Le reste de l’étape s’est déroulé sur la route, puis sur les hauteurs, dans des alpages et des champs aux parfums agréables. Nous profitions alors de belles vues sur les montagnes alentour, mais les sentiers pierreux rendaient la progression fastidieuse. Nous avions l’impression d’avoir marché durant des heures sans avancer quand enfin nous sommes parvenus à Trevi. La ville est évidemment perchée au sommet d’une colline et en son centre trône un château médiéval. Nous avons rapidement fait un tour dans ses ruelles, passant notamment devant une quinzaine de femmes qui récitaient des “Notre Père” et chantaient entassées sur un petit escalier et quelques bancs face au château. Nous avons également fait quelques courses et en avons profité pour demander à la vendeuse où se situait l’ostello où nous dormons ce soir, car il n’est pas dans le village et nous voulions éviter d’arpenter toute la vallée avant de le trouver. Elle nous a expliqué au moins dix fois comment nous y rendre et nous a montré sur la carte du guide où il se trouvait. Nous avons suivi ses indications à la lettre, mais au bout d’un moment il nous semblait que nous avions trop marché et nous avons demandé des précisions à un monsieur. Effectivement, nous étions trop loin. En réalité, nous aurions dû prendre une autre route à la sortie du village et l’hôtel ne se trouve pas là où nous l’a indiqué la dame. Nous avons donc rejoint l’autre route à sa fin et l’avons remontée jusqu’à parvenir à l’ostello depuis le faux côté, après un détour inutile mais heureusement pas trop long.
Nous dormons dans une petite maisonnette en pierre qui a peut-être été autrefois une étable. L’ostello est composé d’une dizaine d’habitations de la sorte, ainsi qu’un restaurant et quelques maisons de fonction également en pierres grises. L’ensemble est à la fois authentique et mignon, niché dans un bel écrin de nature.