Une étape plutôt longue nous attendait aujourd’hui et nous aurions aimé partir tôt, mais le déjeuner à l’hôtel n’était servi qu’à partir de 8h30. Nous avons donc préparé nos affaires et sommes descendus manger rapidement avant de prendre la route aux alentours de 9 heures.
Le tracé de l’Eifelsteig monte jusqu’à la petite chapelle qui surplombe Monschau avant de suivre un parcours dans les bois le long d’une rivière jusqu’à Höfen, puis continue dans la forêt.
En observant la carte, nous avons réalisé qu’il s’agit là d’un itinéraire peu optimal, puisqu’un sentier le long de la rivière permet de rejoindre le même point en trois kilomètres au lieu de dix. Nous avons hésité à emprunter ce raccourci, mais avons finalement décidé de suivre l’itinéraire officiel, imaginant que le parcours devait être plaisant et bucolique. Et puis comme le disent les Allemands, der Weg ist das Ziel (le chemin est l’objectif).
Nous sommes donc montés jusqu’à la chapelle et avons apprécié la vue sur le château et la ville en contrebas. Nous en avons également appris plus sur l’histoire des lieux, notamment sur la destruction stratégique des ponts et accidentelle de certains bâtiments à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La ville a cependant été largement épargnée, car le dirigeant allemand en place l’appréciait beaucoup et a refusé de la faire exploser afin qu’elle ne tombe pas aux mains des Américains tandis que l’armée allemande battait en retraite.
Nous avons poursuivi par une montée dans la forêt où nous avons croisé le groupe de Hollandais qui sont sept et non dix. Ils se reposaient comme des lémuriens absorbant le soleil, regardant tous dans la même direction sans échanger un mot. La forêt était très belle, avec de gros blocs de pierre couverts de mousse et des airs de films d’aventure. Nous sommes ensuite descendus sur un sentier irrégulier et caillouteux jusqu’à la rivière Perlenbach. Elle avait par le passé joué un rôle majeur dans l’industrie locale et abritait une espèce de moules aujourd’hui quasiment disparue, dont les perles avaient donné leur nom au cours d’eau. Nous sommes passés à côté d’un barrage et avons croisé deux autres marcheurs sans doute également hollandais, puis nous sommes montés jusqu’à Höfen.
La particularité de ce village et de la région est l’utilisation du hêtre pour former des haies denses et imposantes autour des maisons. Les arbres sont taillés, atteignant parfois plusieurs mètres de haut ou formant des arches. D’autres haies plus basses sont ponctuées d’arbres hauts qu’on a laissés grandir.
Nous aurions beaucoup apprécié qu’une autre particularité d’Höfen soit ses nombreux établissements publics, mais le seul restaurant que nous avons dépassé était fermé et nous n’avons pas aperçu le moindre autre commerce. Nous avons demandé à une autochtone s’il existait un café, mais elle a fait la moue et nous nous sommes résolus à faire une pause sur banc, ayant tout le loisir d’observer quelques haies. Nous avons ressenti un certain désarroi en découvrant qu’il était déjà 11h30, car il nous restait encore 18 kilomètres à parcourir. A ce rythme-là, nous arriverions à la nuit tombée !
Nous avons pressé le pas et avons pu apprécier quelques jolies ascensions qui stimulaient le cuisseau et galbaient le mollet. Nous avons toutefois estimé que nos gambettes étaient suffisamment affûtées pour couper court à la dernière montée en coupant à travers le village de Hammer. Nous avons pique-niqué sur un banc devant la petite église, profitant de recharger l’appareil photo derrière le bénitier. Quelques rayons de soleil bienvenus ont contribué à améliorer encore notre petite pause.
L’après-midi, nous avons encore progressé dans la forêt et avons commencé à trouver l’étape un peu longuette. Nous avons à nouveau évité une montée inutile en suivant la rue tranquille et déserte d’un hameau plutôt qu’en faisant un détour par le champ qui le surplombait. Nous sommes finalement arrivés vers 16h à Einruhr, soit bien plus tôt que ce que nous avions craint à Höfen. Nous avons bu un verre et mangé un gâteau douteux en attendant le bus pour Gemünd, notre destination de demain. Nous devions changer de bus à Vogelsang, à mi-chemin, et le chauffeur a refusé que nous payions le premier bus. Il nous a dit que ce serait moins cher si nous achetions uniquement le billet pour la fin du trajet, ce qui semble effectivement très pertinent. Il nous a par contre proposé de descendre à l’entrée de Vogelsang, un immense complexe long de plus de deux kilomètres, et d’attendre là le bus suivant plutôt que d’aller au terminus. Je trouvais cela un peu bête, puisque nous devions ainsi attendre dehors plus longtemps au lieu de rester dans le bus et monter directement dans le suivant, mais comme il était très gentil et bien attentionné (et que nous n’avions pas payé) nous l’avons écouté. Il a commencé à pleuviner au moment où nous sommes sortis et des rafales de vent glacial faisaient voltiger les gouttes d’eau dans tous les sens. Nous étions frigorifiés dans l’abribus rendu inutile par l’horizontalité de la pluie et nous avons commencé à trouver le chauffeur de bus beaucoup moins gentil et attentionné. J’ai été chercher des flyers dans un cabanon non loin et nous avons tenté de nous renseigner sur Vogelsang pour ignorer notre état de congélation. Après quinze minutes, le second bus est arrivé et nous a conduits à Gemünd.
Nous y dormons deux nuits faute d’avoir trouvé d’hébergement à Einruhr. Notre hôtel se situe au sommet d’une colline, ce que je n’avais bien sûr pas remarqué en observant la carte lors de la réservation. Le propriétaire est adorable et se donne beaucoup de peine pour rendre le séjour des marcheurs agréable. Il nous a expliqué que nous pourrions nous servir au déjeuner si nous souhaitions emmener de quoi pique-niquer à midi. D’autres randonneurs dorment ici, mais nous n’avons pas échangé plus que des salutations. Cela nous amuse de penser qu’ils ont en fait une étape d’avance sur nous et que nous ne sommes pas dans le bon groupe.
Nous nous sommes installés et avons rapidement pris une douche et enfilé des habits plus chauds, avant de ressortir pour souper. Le seul grand problème que je rencontre, c’est que les pantalons de marche que je porte le soir sont d’un magnifique rose pétant. Exactement le même que mon K-way. Puisqu’il pleuvait, je ressemblais donc à une framboise tout à fait ridicule, entièrement attifée de rose… Je me console en me disant que personne ne me reconnaîtra ici et qu’il n’y a aucune raison que quelqu’un découvre cette terrible faute de goût !
Deux seuls restaurants étaient ouverts dans toute la ville : deux kebabs. Nous avons choisi celui de gauche et avons bien fait, car la nourriture s'est avérée étonnamment excellente et plutôt variée.