L’étape du jour étant courte et sans grande difficulté, nous avons choisi de laisser Logan au repos et d’effectuer rapidement le parcours pour prendre le bus qui nous ramènerait à Blankenheim avant 14 heures. Nous avons sorti Logan tôt ce matin et en avons profité pour passer à la boulangerie afin d’acheter un déjeuner et compléter notre maigre pique-nique de midi. Nous étions en route avant 8 heures, après avoir placé une commode dans l’entrée pour éviter que Logan n’aboie derrière la porte. Spoiler alert : elle avait déplacé la commode et nous attendait sagement derrière la porte à notre retour…
Nous sommes passés au centre du village devant la source de l’Ahr, petite rivière ici inoffensive qui a pourtant dévasté les villes en contrebas et causé des centaines de morts lors d’inondations en 2021. Nous avons ensuite marché dans la forêt jusqu’à un vallon où une araignée vorace a croqué mon talon droit (j’ai survécu). Parvenus à un moulin que nous n’avons jamais vu, nous avons quitté la rivière pour atteindre Ripsdorf, où théoriquement il n’y avait pas de commerces. Nous avons fait une pause et quelques emplettes dans un petit restaurant et épicerie inattendu mais très bienvenu, puis nous nous sommes réjouis d’entamer ce que les cartes décrivaient comme un tronçon toscan. Alors certes, il y avait des champs, des collines et une poignée de pins, mais il faut vraiment avoir beaucoup d’imagination pour trouver une quelconque ressemblance avec la Toscane. Pas de champs de blé, de cyprès, de vignes, de villages en pierre, et un peu trop de sapins pour qu’on se croit en Italie !
Nous avons atteint la vieille église d’Alendorf et son cimetière militaire où reposent les soldats de la région morts durant la Deuxième Guerre mondiale. Le chemin nous conduisait ensuite sur la montagne du Calvaire, le long d’un chemin de croix. Le terme de montagne nous semble un peu exagéré, mais il est vrai que la Butte du Calvaire aurait été moins vendeur. Ladite montagne donc est plutôt amusante car elle est parsemée de petits arbres éloignés de quelques mètres les uns des autres. Un troupeau de Belges ancestraux scrutaient les herbes au pied des arbres, à la recherche de quelque chose qui nous dépassait totalement. Nous avons discrètement regardé si nous voyions du gui ou des scarabées dorés mais, bredouilles, nous avons continué l’ascension jusqu’à un pauvre Jésus crucifié à l’air tourmenté. Nous avons ensuite descendu cette colline en quelques enjambées pour nous retrouver rapidement dans une longue vallée protégée. Après une heure environ, nous l’avons quittée pour atteindre notre destination et le village de Mirbach.
Nous étions arrivés plus tôt que prévu et devions attendre plus d’une heure le bus. Au risque de décevoir le lecteur avide d’anecdotes croustillantes, ce hameau est digne d’un intérêt similaire à une visite chez l’ophtalmologue. Il n’y a juste pas de montgolfière ni de quiz à réaliser. Nous avons tout de même pris le temps de visiter la chapelle et ses mosaïques originales avant de trouver l’arrêt de bus. Là, une petite affiche manuscrite indiquait que des cafés et rafraîchissements étaient proposés à une adresse. Nous sommes dès lors partis en quête de cette rue et l’avons trouvée plutôt rapidement puisque nous y étions déjà. Au numéro 3, nous avons fait la connaissance d’Anne qui nous a servi des Fanta et demandé en contrepartie une petite donation pour la protection des animaux. Elle nous a présenté ses carlins aveugles, obèses et moribonds, et cela nous a un peu fait hésiter sur le montant de notre don. Nous avons ensuite repris la route jusqu’à l’arrêt de bus, faisant une courte halte devant un couvert qui expliquait les règles de la pétanque (en allemand, c’est un sport très complexe) et offrait des livres dans un frigo. Pascal a choisi une romance criminelle qu’il ne lâche plus depuis, tandis que je me suis résignée à prendre le seul livre en anglais du frigo, une ânerie sans nom où la petite fille s’appelle Posy. Nous avons lu nos ouvrages jusqu’à l’arrivée du bus et sommes rentrés à Blankenheim exactement quand l’orage éclatait.
Nous avons mangé dans notre petit appartement en regardant les éclairs et en compatissant pour les marcheurs qui n’auront pas forcément pu trouver d’abri. Nous avons ensuite pris un bain, fait notre lessive et quand le soleil est revenu, nous sommes sortis pour manger une glace et boire un verre sur une terrasse où j’écris cet article. Ce soir, nous avons convenu de souper avec le couple d’Allemands dans un restaurant. Ils sont passés hier soir sous les fenêtres de notre appartement alors que je faisais une photo de la vue et, tels Roméo et Juliette au balcon, nous avons décidé de manger ensemble. En fait, je ne suis plus très sûre que c’est ce dont discutent Roméo et Juliette et, maintenant que j’y pense, je n’étais nullement sur un balcon, mais nous parlions néanmoins à quelques mètres d’altitude de différence et c’est donc une situation très semblable.