Visite d'Ulm

Il y avait à nouveau de l’eau chaude à l’hôtel ce matin et nous avons pu nous doucher. Nous en avons également profité pour faire une grande lessive et faire sécher les habits sur le bord de la fenêtre. Le déjeuner était vraiment super, et nous nous réjouissons déjà de réitérer cette aventure demain matin avant de reprendre la route. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore deviné, la nourriture représente quelque chose de sacré pour nous et il suffit de nous donner quelque chose de bon pour nous rendre heureux.

Nous avons laissé Logan à l’hôtel et sommes allés en ville en fin de matinée. Notre hôtel se trouve à l’entrée d’Ulm et il y a deux bons kilomètres jusqu’au centre. Nous voulions éviter de marcher des kilomètres pour notre jour de repos et pensions prendre le bus, mais aucune correspondance ne convenait. Nous sommes donc allés à pied, comme hier soir, plutôt qu’attendre une demi-heure le bus.

Office du tourisme

Notre première escale fut l’office du tourisme, car nous avons à nouveau des problèmes à trouver des hébergements pour les prochains jours. Nous avons attendu un moment dans la queue, quand Fritz est arrivé. Nous avons discuté un bref instant, il nous a dit que la personne de l’office à qui il avait parlé s’était montrée d’une inutilité rare pour simplement lui fournir un horaire de train, puis il est parti. Une dame proche de la retraite nous a reçus et nous lui avons fait part de notre situation. Elle nous a indiqué un gîte dans le village où nous allons demain, et quand nous lui avons expliqué que nous avions déjà réservé pour demain mais que c’était pour après-demain que ça coinçait, elle nous a regardés avec un sourire désolé et a dit : “Ah, je ne sais pas alors. Voulez-vous un tampon avec la cathédrale ?” Et bien merci…

Ulmer Münster

Après cette halte peu fructueuse, nous avons été voir ladite cathédrale située juste en-face. Il est possible de monter dans le clocher, qui est soi-disant le plus haut du monde avec ses 161,5 mètres. Nous n’avons bien sûr pas hésité une seconde et avons acheté notre billet, gravissant ensuite les 768 marches qui mènent presque au sommet de la tour. Après une dizaines de marches à peine, nous avons réalisé que nous étions quelque peu stupides et que c’était censé être notre jour de repos, mais bon… Notre chère physio Virginie nous avait dit que c’était bien de varier un peu les activités et ne pas toujours marcher, donc nous avons fait du gravissement de marches. Nous étions surtout heureux de faire cela sans nos sacs-à-dos et nous peinions bien moins que certains touristes peu endurants.

Une fois presque au sommet du clocher, un escalier tout étroit permettait encore de monter un peu plus haut. A mi-hauteur, nous étions freinés car trop de monde voulait monter et personne ne redescendait. Il y avait un bouchon. Nous n’avions pas la moindre idée de notre situation par rapport au sommet, voyant uniquement que la spirale de marches continuait au moins pour un tour. Puis un autre. Puis un autre. Nous pensions être presque arrivés et avons continué à progresser lentement, nous plaquant contre les parois pour laisser descendre les autres touristes, parfois au centre malgré l’étroitesse des marches quand des gens refusaient de descendre par là. Après presque une demi-heure, nous sommes parvenus en-haut et avons pu sortir sur le petit balconnet à une quinzaine de mètres du sommet du clocher. Les gens sont stupides. Au lieu de tous sortir à gauche par exemple, faire un tour du balcon, prendre quelques photos et redescendre à droite, ils sortaient une fois à gauche, puis à droite, créant ainsi une situation où plus personne ne pouvait revenir, et certains devaient passer une heure en haut pour prendre des photos de chaque bâtiment visible. Nous avons pu mettre les pieds sur le balcon, mais n’avons ensuite pas pu bouger d’un centimètre tant tout était bloqué. Après une dizaine de minutes dans cette situation stagnante, j’ai perdu patience et ai dit à Pascal que je redescendais, car je ne voulais pas passer le reste de la journée à attendre que ces crétins ne bougent pour avoir une vue de la ville quasi identique à celle que nous avions un étage plus bas. Nous avons alors fait demi-tour, descendant l’étroit escalier en veillant à ne pas tomber, et j’ai dit à plusieurs personnes qui s’impatientaient qu’ils en avaient encore pour un moment et que personne ne bougeait en-haut. Certains sont redescendus, d’autres ont simplement hoché la tête quand je leur ai annoncé qu’ils en avaient encore pour au moins trente minutes.

Malgré tout, l’ascension en valait peine et a contribué à muscler un peu nos pauvres mollets. La descente s’est avérée plus périlleuse, car à force de progresser en cercle serré la tête commence à tourner et il suffit de la moindre seconde d’inattention pour rater une marche. Rassurez-vous, nous sommes entiers. Nous avons ensuite visité l’église, que j’ai trouvée magnifique. Ses hauteurs sous-voûtes sont absolument démesurées et déraisonnables, mais l’ensemble reste assez sobre. La pierre est claire, les vitraux sont très simples, les murs ne sont pas trop décorés. J’ai adoré cette église. Et puis il y a une couronne de fleurs qui date de 1919 et honore les morts de la Première Guerre Mondiale. Si vous vous posez la question, les fleurs ne restent pas fraîches après presque un siècle. Je dirais même, vu l’état pitoyable de cette couronne, qu’elles pourrissent.

Metzgerturm et Fisherviertel

Nous avons mangé un morceau, puis une glace, et avons fait un saut dans les quartiers que nous n’avions pas arpentés hier quand nous cherchions un restaurant. Et bien les restaurants se trouvaient visiblement tous là. Nous avons mieux compris pourquoi nous n’avons rien trouvé hier. Nous sommes passés sous un des pans de la muraille qui entourait autrefois la ville pour aller voir le Danube. Il était large et calme mais s’écoulait très rapidement, pour le plus grand bonheur des canards qui descendaient le fleuve à toute vitesse. Nous avons mangé notre glace assis au bord de ce beau fleuve plutôt vert, y avons trempé un doigt juste pour toucher le Danube, et serions bien restés là au soleil tout l’après-midi tant c’était agréable. Nous nous sommes néanmoins décidés à bouger et avons repris notre balade dans la ville pour rejoindre le Fisherviertel. Ce quartier historique se compose essentiellement de maisons en colombages tordues et ravissantes, et est traversé par la rivière Blau. Il y a ainsi de nombreux ponts, un moulin même, en plein coeur du quartier, ce qui le rend tout à fait charmant.

Marabout

Nous avons finalement décidé de retourner à l’hôtel, cherchant en passant si nous trouvions un magasin où acheter des huiles essentielles. Mes orteils sont un peu sensibles et je ne voudrais pas qu’ils s’enflamment. J’ai essayé des pommades qui se sont révélées inefficientes et ai pensé qu’une huile essentielle pourrait faire l’affaire. Je suis de nature sceptique, mais ces médecines naturelles ne peuvent en tout cas pas faire de mal et dans mon cas, la médecine traditionnelle ne fait jamais effet. Nous avons trouvé un petit magasin à l’angle d’une rue qui proposait des centaines d’huiles essentielles. Le vendeur était un homme âgé, une très longue barbe blanche, des petites lunettes rondes, des habits larges et colorés. J’ai tenté de lui expliquer mon problème en allemand, parlant d’inflammations dans les pieds et de marche. Il a sélectionné trois flacons, puis m’a demandé de tendre ma main gauche. Il a fait tournoyé au-dessus d’elle un pendule qu’il a ensuite placé au-dessus des flacons, avant d’en brandir un en disant : “C’est celui-là qu’il te faut !”

Certes, si le pendule a dit. Il m’a conseillé de masser mes pieds avec cette huile essentielle diluée dans une huile végétale et d’en ingérer trois à cinq gouttes dans un peu de sucre. “Attention, c’est fort !” Pour avoir déjà absorbé une fois une autre huile essentielle, je sais que c’est dégueu. Celle-là dépassait mes attentes. J’ai pris une seule goutte dans du sucre une fois revenue à l’hôtel. La première fraction de seconde, on sent le sucre et on pense que ça va. Puis tout à coup, une bombe explose en bouche, on aimerait cracher par terre mais il ne faut pas faire ça dans les hôtels, on ne sait pas comment avaler car le corps n’est pas con et possède des mécanismes de défense qui empêchent de manger n’importe quel poison, pendant ce temps le goût se propage, brûle l’intérieur des lèvres, passe de l’amer extrême au piquant, puis au surpiquant, on avale quand même parce qu’on ne peut pas cracher par terre, des larmes jaillissent des yeux, le nez coule, on secoue une main et on tape des pieds comme si ça pouvait changer quelque chose, il reste encore des grains de sucre dégueu alors on déglutit dans la douleur une deuxième fois, puis enfin on peut ouvrir la bouche et dire “AaAaaAAaaah !”

Je ne suis pas sûre de l’avoir dit, mais c’était infâme.

Logan

Quand nous sommes arrivés à l’hôtel, nous avons immédiatement remarqué que Logan avait trouvé le sac de ses croquettes et qu’il ne restait qu’une toute petite poignée au fond de celui-ci. Elle a dû manger ce qui lui était réservé pour les trois prochains jours au moins. Elle était amorphe dans un coin de la chambre et ne cessait de roter. Nous l’avons sortie quelques minutes pour qu’elle fasse ses besoins ; il nous semblait qu’elle attendait huit portées et elle se trainait toujours en rotant. Bon, visiblement elle aussi a profité de son jour de repos pour s’empiffrer et ça nous fera ça en moins à porter…

Nous nous sommes reposés un moment, avons écrit quelques cartes postales, regardé un peu les Jeux Olympiques à la télé, avant de repartir en ville pour souper. A nouveau, pas de bus et quelques kilomètres en plus à pied. Nous avons passé une très belle soirée. Il faisait chaud, la ville était animée, nous nous sentions légers et heureux.

La routine

On retombe vite dans la routine, et notre train-train de marcheurs nous est vite revenu. Nous abordons très différemment ce pèlerinage du premier et voulons éviter les erreurs de jeunesse que nous avions commises la première fois. Nous voulons à tout prix ménager nos organismes afin de ne pas souffrir de tendinites ou d’inflammations, profiter de l’instant et tant pis si nous devons parfois sauter des étapes ou si nous n’atteignons pas notre but.

Le matin, nous donnons à manger à Logan puis nous réveillons gentiment. Nous faisons ensuite une demi-heure environ de gainage, au moins tous les trois jours. Nous allons ensuite déjeuner, puis remontons faire nos sacs et préparer les bouteilles. Nous portons chacun deux litres d’eau, dont un mélangé avec du jus de citron, du sucre et du sel. Je m’occupe ensuite de ma cheville et mon tendon d’Achille enflammé depuis deux ans et que je ne peux plus stretcher à cause de ma déchirure des ligaments de la cheville. Je fais le check de mes petits orteils pour voir s’ils vont tous bien et j’enfile mes chaussures.

En route, nous faisons une pause chaque heure en moyenne. Il y a trois ans, nous avions commencé par de trop longues étapes, qui plus est avec beaucoup de dénivelé, et nous avions un peu oublié les pauses au début. Moralité, nous avions eu des courbatures épouvantables la première semaine. Cette fois, rien. Les courbatures proviennent plutôt du gainage, mais la marche est pour l’instant bien supportée. Nos sacs sont peut-être aussi un peu plus légers, car nous avons supprimé tout ce qui s’était avéré superflu en 2013. Nous avons les affaires du chien en plus et nous portons pour l’instant des affaires inutiles comme les sacs de couchage ou les linges car les hébergements sont trop luxueux. Malgré tout le poids reste correct et Yvon fait déjà partie de moi.

Nous essayons toujours de parcourir environ 2/3 du chemin avant de dîner, car la motivation retombe ensuite et nous avons hâte d’arriver. Nous marquons minimum une heure de pause à midi, donnant à manger à Logan et la laissant dormir. Nous profitons de ces pauses pour laisser respirer nos petons et quand nous repartons, ils semblent tous neufs.

Une fois arrivés au gîte, nous posons nos sacs. J’envoie un petit message à ma frangine pour lui dire où nous sommes, puis c’est la douche. Qu’est-ce que ça fait du bien d’enlever ses habits pleins de sueur et de profiter d’une bonne douche. Pour moi, il faut qu’elle soit brûlante. Dès que mon corps s’habitue à la chaleur, je monte la température. Jusqu’à ce le robinet n’aille pas plus loin, auquel cas je sors insatisfaite, ou alors que ce soit vraiment ultra chaud et que je ne puisse plus augmenter de peur de bouillir et avoir des cloques. Je sors alors toute rouge et complètement détendue, parfois au bord de la chute de pression. Je sais qu’il faudrait une douche froide pour refroidir le corps après l’effort, stopper la dilatation, pour la circulation, pour tout. Mais je n’aime pas le froid, je ne supporte pas ça. Pour moi, c’est douche brûlante n’importe quand : par -10 ou 40° C.

Quand nous sommes propres, il est temps de laver nos habits. Dans le lavabo, avec un peu de savon, et nous frottons tant bien que mal pour ôter la transpiration et la terre. Si vous avez déjà fait des lessives à la main, vous savez que ce n’est pas évident. En vrai, c’est impossible de bien laver à la main des pantalons couverts de boue et, à moins d’y passer deux heures, l’eau sera toujours un peu colorée. Nous choisissons alors le moment où la couleur nous semble suffisamment claire et hop ! essorage. Si vous avez déjà essoré des habits à la main, vous savez que ce n’est pas évident. On frôle vite la cloque sur les pouces et ça reste toujours très mouillé… On étend tout ça comme on le peut dans la chambre, et ce qui n’est pas sec le lendemain sera accroché sur le sac pour un séchage au soleil.

Nous nous posons ensuite un moment sur le lit pour lire ou dormir un peu, puis nous partons faire un petit tour en sandales. Quand il fait frais, le look est grandiose avec des pantalons et les sandales. C’est tellement agréable de se promener sans les sacs et les chaussures. On se croit alors en vacances, car on découvre un nouvel endroit. Sans toutefois pouvoir le visiter pour de vrai, car ce n’est pas le but du voyage. Quand on marche, on ne visite pas. On ne va pas dans les musées, on ne parcourt pas toutes les ruelles, on ne fait pas de détour pour une ruine. Si Pascal et moi aimons les vacances hyperactives où nous n’arrêtons jamais la découverte, cette envie nous quitte dès que nous redevenons marcheurs. Dès lors, nous nous faisons une idée des lieux, nous cherchons quelques informations mais pas les détails, nous nous arrêtons aux émotions que nous procure la traversée d’une rue sans chercher à savoir ce qui se cache derrière chaque porte. Nous ne regardons pas vraiment les vitrines, sachant que nous ne pouvons rien acheter. Nous prenons conscience du lieu où nous sommes arrivés, nous mettons des mots sur ce qu’il nous inspire puis nous allons souper. Nous faisons ensuite une demi-heure d’étirements où nous finissons de mettre nos corps au repos. Après cela, rédaction de l’article, tri des photos s’il n’est pas trop tard, et au dodo ! Qu’est-ce que nous dormons bien quand nous marchons !

Marcheurs ou pèlerins ?

La définition du Larousse est la suivante :

Personne qui va visiter des hauts lieux de piété dans un but essentiellement religieux.

Nom usuel des requins de la famille des cétorhinidés.

Faucon du sud de la France, très employé en fauconnerie.

Je pense qu’on peut exclure les deux dernières définitions, qui ne s’appliquent pas tellement à notre cas. J’ignore ce que sont les cétorhinidés, mais si c’était de ma famille je le saurais. Et nous ne venons pas de France, encore moins du Sud, et n’avons jamais été utilisés en fauconnerie. Donc non.

Ne reste que la personne qui visite des lieux sacrés dans un but religieux. Nous nous rendons effectivement vers des lieux de piété, mais notre voyage n’a aucune vocation religieuse. Nous sommes tous deux non-croyants. Moi baptisée catholique, Pascal protestant, mais fervents non-croyants. Ou plutôt agnostiques. Nous ne connaissons pas de preuve qui attestent de l’existence ou de l’inexistence d’un être supérieur, donc nous ne savons pas. Peut-être bien qu’il y a quelqu’un là-haut, peut-être pas. Du coup nous ne croyons pas, mais nous n’affirmons pas qu’il n’y a rien, nous ne nous prononçons pas. Bref. Cela élimine toutefois le voyage religieux.

Malgré tout, nous marchons vers des lieux chrétiens importants. Nous suivons des chemins de pèlerinage. Nous sommes pèlerins dans les faits si ce n’est dans notre démarche.

Pourquoi se rendre à Compostelle et au Vatican si nous ne sommes pas croyants ?

En 2013, nous n’avons pas terminé notre voyage à Compostelle. Nous avions été jusqu’à l’Océan Atlantique, but ultime et annoncé de notre marche. Nous voulions partir de la source du Rhône et aller jusqu’à l’océan. Nous n’avions d’ailleurs pas obtenu notre petit diplôme, car nous avions indiqué au bureau des pèlerins à Saint-Jacques que nous n’avions pas marché pour des motifs religieux.

Pour ce qui est du Vatican, on peut difficilement faire plus sacré côté catholique… Après ce périple, nous aurons fait deux des trois grands pèlerinages chrétiens et il ne nous restera que Jérusalem. Qui attendra. Malgré tout, notre démarche n’est pas religieuse. Nous avons choisi cette destination, car la place Saint-Pierre est magique, Rome est splendide et nous aimons l’Italie. Et il y a des chemins qui mènent jusqu’à là. Comme à Compostelle. Peu de lieux en Europe peuvent être rejoints à pied après trois mois de marche sur des chemins aménagés et (plus ou moins) balisés. Si nous avions voulu aller à Trondheim à pied depuis Minsk, ça se serait révélé plus compliqué. Enfin je pense, je ne me suis jamais vraiment renseignée là-dessus…

Des immenses chemins de randonnée, voilà ce que sont pour nous ces longues voies de pèlerinage. Il y a des GR (grandes randonnées) en France qui nous attirent. Nous avions hésité d’ailleurs à suivre le GR qui fait le tour de la Bretagne, mais finalement nous voulions découvrir à pied d’autres pays que la France dans laquelle nous avons déjà marché environ un mois et demi.

Et puis ces voies ont cette histoire qui me touche. J’aime de temps en temps imaginer les pèlerins du Moyen-Age, qui marchaient déjà vers la même destination que nous, dont la route oubliée croise parfois la nôtre. Des milliers de personnes sont passées là avant nous, avec le même objectif. Nous sommes un seul parmi un tout, avançant gentiment et traçant notre propre parcours, comme tant d’autres avant nous, comme ces autres en même temps que nous, qui se trouvent plus ou moins avancés sur le chemin. Il y a trois ans, je fermais les yeux parfois en marchant et essayais d’imaginer ces voies depuis en-haut. En été dit-on, plus de 2 millions de personnes marchent simultanément vers Compostelle, partout en Europe. Et nous sommes seuls sur notre petit bout de chemin, faisant partie néanmoins d’une immense communauté qui avance et dont nous ne rencontrerons que quelques membres anonymes.

C’est peut-être pour cela que je me sens pèlerine. Je vais avec ces gens même si je vais seule, je suis ces chemins de pèlerinage, j’arpente ces voies historiques qui me permettent d’écrire ma propre histoire. Je suis dans une bulle, devenant spectatrice du monde qui m’entoure et actrice de mon propre destin, sans que ces mondes n’aient d’impact l’un sur l’autre. Je revis, ou plutôt je vis. J’arrête le temps. C’est un pèlerinage intérieur, je vais vers le sacré que représente pour moi l’évasion.

Et puis “pèlerin”, c’est un si joli nom…