Nuremberg - Rome
Oberdischingen - Biberach an der Riss
Etape précédente Etape suivante

Changement de programme

Le déjeuner s’est déroulé dans une ambiance similaire au souper d’hier soir : une grande table et Ingo qui parlait pour nous autres encore un peu endormis. Dans la discussion, Ulli nous a parlé d’une femme charmante qui héberge les pèlerins à Äpfingen. Nous n’avions pas connaissance de cette dame et n’avions pas trouvé de gîte dans ce village ni aux alentours. C’était pour ce soir que nous avions été voir l’office du tourisme d’Ulm qui s’était révélé inutile, car nous n’avions que deux adresses entre notre guide et la liste sur le site officiel du chemin de Saint-Jacques. Un hôtel était complet, l’autre en vacances, nous n’avions aucune autre solution à ce moment que de trouver une alternative. La solution prévue : marcher jusqu’à Äpfingen puis prendre un bus pour Biberach où nous avons réservé une chambre. Cela n’était pas un problème, car nous avons décidé de ne plus nous arracher les cheveux comme ça avait été le cas vers Gunzenhausen et s’il n’y a pas d’hébergement, nous prenons le bus ou le train. Mais d’apprendre qu’il y a une adorable femme qui héberge les pèlerins, qui figure sur les listes présentes au Cursillo-Haus, et que ni l’office du tourisme d’Ulm ni les sites Internet n’en font mention, cela nous a contrariés. Nous attaquions la journée en sachant que nous allions prendre le bus alors que ce n’était pas nécessaire.

Ingo et Beate ont réservé des chambres là, ce qui nous a un peu réconforté puisque nous nous sommes persuadés qu’il n’y avait certainement plus assez de lits pour nous.

Cycliste bavard

Bref, nous sommes partis assez tard, vers 9h30, après ce déjeuner très convivial. Nous avons traversé le Danube peu après le village et suivions ensuite la piste cyclable qui menait à Ersingen quand un vieil homme nous a dépassés en vélo, a ralenti, puis s’est arrêté et nous a attendus pour bavarder. Il nous a demandé où nous allions, puis a déclaré que nous n’étions pas sur la bonne voie. A moult reprises depuis notre départ de Nuremberg nous l’aurions cru, mais pour le coup nous étions cette fois sûrs de nous. Il a rétorqué que le chemin de Saint-Jacques passait effectivement là mais qu’il y avait une voie bien plus directe et agréable le long du Danube. Il s’est retourné, a pointé son doigt en direction du fleuve une centaine de mètres derrière nous et a dit : “Vous voyez, là le pont, c’est le Danube qui coule dessous. Vous prenez juste à gauche avant le pont et vous longez le fleuve jusqu’à Äpfingen. C’est beaucoup plus sympa, vous verrez ! Il y a un sentier qui suit le Danube tout le long, c’est à l’ombre. En plus il n’y a pas de voitures, il faut que vous passiez là !” Nous tentions de l’interrompre, en vain. Il ajoutait des arguments encore et encore, ne nous laissant pas placer un mot. Une fois qu’il a eu fini, Pascal lui a répondu : “Merci, mais nous suivons le chemin de Saint-Jacques et nous allons plutôt continuer dans cette direction.” Nous avions quelques doutes quant à son itinéraire qui nous faisait suivre le Danube vers l’Ouest alors que notre destination se trouvait plein Sud…

Il est alors descendu de son vélo, a mis le pied pour qu’il ne tombe pas, et a commencé à gesticuler tout en relançant son argumentaire : “Non, là vous allez longer des routes, ce n’est pas intéressant, tandis que si vous retourner juste là, vous voyez le pont ? C’est juste avant qu’il faut tourner, puis vous longez le Danube. C’est ombragé en plus !” Nous avons maintenu que nous n’irions pas par là, mais l’avons remercié pour son aide et son inquiétude. Il a répondu : “Comme vous voulez, si ça vous plaît de marcher en plein soleil au bord de routes…” Cela faisait déjà bien cinq minutes qu’il voulait nous faire longer le Danube et nous étions soulagés qu’il arrête enfin d’essayer de nous convaincre. Nous commencions à repartir quand il a ajouté : “D’où venez-vous ?” S’en est suivi un très long monologue sur ses nombreuses années de travail en Suisse, sa fille qui a étudié le français, et si jamais le pont derrière, juste là, passe sur le Danube que vous pouvez longer…

Quand enfin il s’est souvenu qu’il avait une salade dans son panier et qu’il devait rentrer la préparer, nous avons poussé un long ouf de soulagement et avons repris la route, dans la direction opposée au pont derrière nous qui passe sur le Danube. Nous avons sorti le guide et inspecté le plan pour nous conforter dans notre choix : aucun des villages que nous devions traverser, encore moins Äpfingen ou Biberach, ne se situent sur ce fleuve. Il y a même plutôt 20 kilomètres qui les séparent…

Entorse et dispute (ouais ! des rebondissements !)

Nous avons effectivement marché le long de routes de campagne puis dans les champs jusqu’à notre pause de midi à Schemmerberg. Ce n’était pas très intéressant, un peu monotone même, et les paysages nous plaisent moins qu’en Bavière. Il faisait de plus très chaud.

Je me suis tordu la cheville peu après Risstissen, alors que je cherchais une indication sur la direction à emprunter et que je prêtais moins attention au sol. J’ai enlevé progressivement ma chevillère et ne la porte plus depuis Ulm. Bien que je la sente en bonne voie de guérison, ma cheville gauche est faible et il suffit d’un tout petit dévers pour qu’elle ne se torde. Grosse frayeur sur le moment car la douleur a été intense, mais s’est complètement estompée dans les centaines de mètres suivantes.

Pascal et moi nous sommes un peu fâchés en milieu de matinée, car nous ne nous étions pas compris sur le lieu de la pause. Pascal pensait que nous avions dit un village, n’a pas compris pourquoi je le traversais sans m’arrêter, moi qui pensais m’arrêter au suivant je n’ai pas saisi pourquoi Pascal traînait des pieds. Au final, nous avons tous deux marché plus que prévu avant la pause, sous un soleil de plomb, et c’est sans un mot et fatigués que nous nous sommes assis à une table ombragée à la sortie d’Obersulmetingen. Cette dispute n’a été que de courte durée et nous nous sommes réconciliés aussitôt après.

Schemmerberg

Nous avons fait une longue pause à Schemmerberg après 17 kilomètres de marche. Nous dégoulinions de sueur et étions fatigués d’avoir parcouru des kilomètres sur du goudron par plus de 30°C. Un très long banc à l’ombre se trouvait derrière l’église, qui a servi au pape Benoît XVI lors de sa visite à Freiburg. Pour le coup, nous n’avions pas vraiment cure de savoir que Sa Sainteté avait posé son postérieur sacré sur ce banc, nous étions juste trop heureux de voir ce siège de luxe où nous avons laissé choir nos modestes personnes.

Il nous restait alors 5,5 kilomètres jusqu’à Äpfingen, soit un peu plus d’une heure de marche. Il y avait un bus à 17 heures, ce qui nous laissait amplement le temps d’avancer tranquillement. Nous étions toujours frustrés de ne pas avoir eu vent de cet hébergement plus tôt et avons analysé la carte. 18 kilomètres jusqu’à Biberach. Beaucoup trop. Tant pis, nous allions prendre le bus…

Changement de programme

Une fois repartis, nous avons marché cinq minutes avant d’apercevoir un panneau qui nous a stoppés net. Piste cyclable : Biberach 11 km. Attends voir… Nous avons sorti la petite carte du guide et effectivement, passer par Äpfingen représente un gros détour par l’Est. Notre carte n’indique toutefois aucune route directe reliant Schemmerberg et Biberach hormis l’autoroute. Mais bon, 11 kilomètres au lieu des 5,5 prévus, ce n’était pas une énorme différence. Ce n’était pas 18 kilomètres comme nous le pensions. Nous nous sommes regardés, avons réfléchi une seconde et avons quitté le chemin pédestre pour la piste cyclable.

Celle-ci commençait tranquillement dans un petit bosquet avant de passer sous les voies de chemin de fer. Les deux kilomètres suivants au milieu de prés arpentés par des dizaines d’échassiers se sont révélés très ardus. Il faisait vraiment très chaud, nous voyions le prochain village au loin et ne semblions jamais nous en approcher. Pas un seul arbre au bord du chemin, Logan était exténuée et voulait sans cesse s’arrêter. Nous l’avons encouragée jusqu’au village où nous avons fait une pause contre une maison où Logan s’était couchée, refusant d’aller plus loin. Un panneau juste en-face de nous indiquait : “Biberach 7,9 km / Warthausen 4,7 km”. Contrairement à notre principe de n’utiliser la tablette que pour publier articles et photos, nous l’avons sortie pour afficher la carte de la région. Nous voulions savoir si nous allions longer un gros axe routier, auquel cas nous aurions cherché un chemin secondaire.

Une fois Logan reposée, nous sommes repartis. Après plus d’un kilomètre, un nouveau panneau affichait : “Biberach 8,4 km / Warthausen 4,4 km”. (Si vous ne voyez rien d’anormal à cela, je vous laisse relire ce qui était écrit sur le précédent panneau.) Donc après plus de 1000 mètres, nous n’avions parcouru que 300 mètres en direction Warthausen, reculé de 500 mètres par rapport à Biberach et ces deux villes étaient tout à coup plus espacées… Voilà typiquement le genre de blague qui ne nous fait pas rire. Du tout.

Au final, il semble que ce panneau était fantaisiste, car les suivants semblaient correspondre à nos estimations. Nous avons divisé ces derniers kilomètres en petits tronçons, marquant plusieurs pauses surtout pour Logan. La chaleur l’affecte vraiment vite et elle ne voulait plus avancer. Elle s’est montrée malgré tout très brave, nous suivant résignée, en pilote automatique. Pascal et moi n’avions plus d’eau, ayant estimé nos réserves par rapport à Äpfingen. Nous étions également épuisés quand nous sommes arrivés au gîte après 18 heures.

En soi, marcher une trentaine de kilomètres n’est pas un problème. Nous aurions cependant planifié notre étape différemment si nous avions su que nous allions l’allonger, partant plus tôt, mangeant plus loin, emportant plus d’eau. Et psychologiquement, il est dur de modifier son objectif en cours de route, quand on croit l’avoir presque atteint. Malgré tout, nous étions fiers et heureux d’avoir parcouru toute cette étape à pied, sans prendre le bus. Plus aucun remord, au contraire !

Biberach

Biberach semble être une ravissante ville d’un peu plus de 30’000 habitants. Nous étions néanmoins trop pressés d’arriver au gîte pour prendre le temps de la visiter et ne sommes ressortis ensuite que pour faire quelques courses.

Un couple très accueillant nous a reçus. Ils ont vite dû s’apercevoir de notre état de fatigue (nous étions couverts de sueur, ce qui est généralement un bon indicateur), car l’homme s’est empressé d’aller nous chercher de grandes bouteilles d’eau et de bière fraîches. Il nous a de plus accordé un rabais “spécial pèlerins”. Nous avons discuté un moment ; c’est une des premières fois que nous avons un échange avec nos hôtes. D’habitude, ils ne nous posent aucune question et nous donnent simplement la clé. Cette fois, ils semblaient vraiment intéressés par notre histoire et c’était agréable d’échanger un moment. Mais pas trop longtemps non plus, parce que la douche et des habits propres nous appelaient !

C’est la première fois également que nous disposons d’une cuisine et nous en avons profité pour cuisiner des pâtes. Un luxe fort apprécié qui nous a permis de manger chaud !