Dévorés par les moustiques

Quand Logan est venue nous dire bonjour au bord du lit après avoir entendu le réveil, nous avons remarqué qu’une grosse tâche de sang maculait son poil d’ordinaire blanc comme un enfant sous la neige. Elle ne semblait pas souffrir, bien au contraire, et un rapide examen nous a permis de comprendre le drame : une énorme tique avait explosé... C’est un tout petit peu immonde, pardonnez-moi. Il y a beaucoup de tiques dans la région et nous lui en retirons presque tous les jours. Celle-ci avait échappé à nos contrôles minutieux, la tête plantée dans le poitrail de notre chienne, se gavant tellement de sang qu’elle en a explosé. Quelle vie de rêve ! Nous avons retiré cette odieuse carcasse et nettoyé le poil de Logan, prêts alors à aller déjeuner.

29 kilomètres nous attendaient aujourd’hui et le temps s’annonçait chaud jusqu’en milieu d’après-midi. Nous avons alors décidé de partir aux aurores, à une heure où les braves dorment encore, bien plus tôt qu’à l’accoutumée, vers 8 heures. Nous avons acheté un croissant et déjeuné en route pour gagner un peu de temps.

Après être sortis de cette jolie ville, nous avons longé un petit canal dans lequel Logan s’est défoulée, finissant de nettoyer son pelage ensanglanté. Nous nous sommes ensuite perdus une fois dans une forêt, comme souvent, faisant un joli détour d’un moins un kilomètre avant de rejoindre une piste cyclable. Nous avons ainsi loupé le petit nain de jardin qui indique la distance jusqu’au prochain village et est en photo dans notre guide…

Le plus beau raccourci

Nous n’avions pas prévu de faire une halte à Grodt, pensant aller jusqu’au village suivant, mais Pascal avait un caillou dans sa chaussure et j’avais un peu soif. Nous nous sommes donc reposés dans un abribus et j’en ai profité pour sortir le guide. J’ai alors réalisé que le chemin nous faisait parcourir un arc de 10 kilomètres pour rejoindre Winterstettenstadt où nous avions prévu de dîner, alors qu’une route droite s’y rendait en 4 kilomètres. Nous avons lu les indications pour comprendre l’arnaque : le chemin passe devant une église baroque considérée comme la plus belle église de village au monde, puis fait encore un détour pour conduire le pèlerin à un mémorial dédié à une bataille entre Français et Autrichiens pendant la Guerre de Trente Ans. Alors pour le coup, le mémorial, rien à battre ! L’église, Fritz nous en avait parlé aussi car c’est celle qu’il préfère parmi toutes les églises qu’il a visitées dans sa vie. Nous avons hésité au moins cinq secondes, avons relu “baroque”, refait les calculs et nous sommes dits que nous chercherions des photos sur Google. Nous n’aimons pas du tout l’art baroque. Et puis un petit détour pour une église, d’accord, mais 6 kilomètres, il ne faut pas exagérer ! Cela fait environ une heure et demie de marche, avec une pause deux heures… Tant pis pour l’église, nous nous sommes convaincus qu’elle devait certainement être fermée les mardis, et nous avons suivi notre raccourci. Les deux premiers kilomètres étaient sur une toute petite route très peu fréquentée et dans la forêt, tandis que les deux derniers étaient un peu moins intéressants car la route était découverte et un peu plus passante. Mais bon, nous avons dû croiser au plus vingt voitures en une demi-heure, donc rien de terrible.

Nous avons ainsi atteint Winterstettenstadt à 11h30 au lieu 13h30 comme nous l’avions estimé. Nous y avons fait une pause et avons repris la route qui nous menait dans des forêts où à leur lisière. C’était très humide et nous nous faisions dévorer par les moustiques. Il nous semblait que chaque pas était synonyme d’une nouvelle piqûre. Nous avons progressé rapidement et, après une heure environ, nous commencions à avoir faim. Nous avons alors cherché un endroit un peu sec pour poser les sacs et c’est là que tout à coup est apparu le premier banc depuis quelques kilomètres. Quel bonheur ! Sauf qu’à peine installés, une armée de moustiques et de mouches s’est jetée sur nous, nous assaillant de toute part et nous faisant fuir aussi vite que possible. Nous avons continué un moment, jusqu’à atteindre une clairière mieux exposée et donc sèche. Les insectes étaient moins nombreux et nous avons mangé là.

Temps orageux

Le chemin passait ensuite à Oberessendorf, bien que le guide mentionne un tout autre itinéraire. Nous n’avions plus d’eau et il faisait très chaud. En Allemagne, les fontaines sont rares et leur eau n’est jamais potable. J’ai donc été frapper chez une charmante dame qui a rempli ma bouteille et m’a même proposé de me conduire à ma destination. J’ai refusé sa proposition et elle nous a dépassés un quart d’heure plus tard, alors qu’un orage se profilait juste devant nous, pour nous reproposer son aide et nous éviter d’être trempés. C’était vraiment adorable de sa part mais nous n’étions plus très loin et souhaitions finir l’étape à pied.

Un immense nuage noir avançait dans le ciel, juste au-dessus de nous, alors que partout autour il faisait grand beau. Un grondement permanent se faisait entendre, tonnerre sans éclairs. Nous avons été rincés par les premières gouttes et nous sommes abrités dans une maison en construction. Nous avons ensuite dû marcher trop vite car nous avons rattrapé l’orage dans une forêt et avons parcouru le dernier kilomètre sous de très grosses gouttes. J’adore ces orages d’été, quand il fait chaud et que des gouttes énormes tombent d’un coup sans prévenir. L’odeur de poussière est délicieuse, l’eau s’évapore à peine après avoir touché le sol chaud, formant de petits nuages au ras des routes. Le seul hic, ce sont les éclairs qui pourraient se trouver attirés par notre délicates personnes…

Mattenhaus

Notre hôtel est bien plus luxueux que ce à quoi nous nous attendions. On dirait qu’il s’agit d’un ancien corps de ferme entièrement réaménagé avec beaucoup de goût. Nous avons maintenant un gros doute quant au prix affiché dans notre guide car il nous paraît ridicule comparé à la classe de cette chambre. Nous verrons bien demain matin au moment de payer… Nous avons choisi de souper au restaurant de l’hôtel car il était bondé et c’est souvent bon signe, surtout dans un tout petit village insignifiant. C’est une de nos dernières soirées en Allemagne et comme en général nous pique-niquons, nous n’avons que peu eu l’occasion de goûter aux spécialités locales. C’était très bon et nous avons ensuite eu la chance d’admirer un superbe orage depuis la fenêtre de notre chambre en rentrant, avec des éclairs immenses et des rafales de vent inouïes. Magnifique !