Enorme étape bien raccourcie

Réveil un peu tardif ce matin et nous avons pris la route à 9 heures, ce qui ne nous arrangeait pas trop car une assez longue journée s’annonçait. Nous avons cherché ces derniers jours un hébergement vers Brochenzell mais ils se sont révélés rares, complets ou refusant les chiens. Après analyse de la carte, nous avons décidé d’aller une dizaine de kilomètres plus loin sur le chemin en prenant des raccourcis via d’autres voies de randonnée. Tant pis si nous rations une ou deux chapelles…

Ravensburg

Le premier raccourci qui nous faisait économiser au moins 3 kilomètres consistait à emprunter une ligne plus directe jusqu’à Ravensburg en restant dans l’agglomération. Weingarten et Ravensburg sont deux villes littéralement collées, mais le chemin de Saint-Jacques quitte Weingarten par le Sud, passe sur les collines à l’Est de Ravensburg avant de revenir dans le centre historique. En tout, 6,5 kilomètres au lieu de 3,5 si on marche dans la ville. Nous avons choisi un itinéraire dans des rues secondaires qui s’est avéré très rapide, plat et agréable.

A Ravensburg, j’ai fait un saut à la pharmacie pour montrer mes piqûres de moustique. La pharmacienne a fait la moue et a dit : “Non en effet, ce n’est pas très normal ça.” Elle m’a donné une pommade plus forte que le Fenistil, à base de cortisone, et m’a indiqué qu’il faudrait prendre des antihistaminiques si ça n’allait pas mieux rapidement.

Ravensburg semble être une très belle ville avec un superbe centre piéton entouré de murailles. De nombreuses tours et portes dominent les maisons aux façades colorées et impeccables. Malheureusement, nous n’avons pas eu le temps de visiter les lieux et avons juste traversé la ville. Nous n’avons pas non plus vu de magasins de puzzles, bien que l’entreprise Ravensburger siège là. Peut-être était-ce mieux ainsi, car un puzzle n’est pas tout à fait utile, compact et léger comme les objets que nous emportons…

7 kilomètres en moins, ça use moins les souliers

Nous avons rejoint le chemin de Saint-Jacques à la sortie de la ville et avons marché une dizaine de kilomètres dans une belle forêt traversée de nombreux ruisseaux. Nous avons alors croisé un monsieur d’une soixantaine d’années qui promenait deux minuscules chiens et chassait les Pokémon dans les bois. Il nous a expliqué à quel point ce jeu était super, car il lui avait permis à lui et son fils cadet de visiter tous les monuments d’une petite ville non loin qui y avait placé des Pokémon. Nous nous sommes éloignés en le voyant poursuivre sa quête de Carapuce dans une clairière.

Nous avons ensuite quitté la forêt pour suivre notre deuxième raccourci qui nous faisait gagner encore 7 kilomètres. Je ne comprends pas trop pourquoi le chemin de Saint-Jacques ne passe pas là, car nous avons marché 4 kilomètres sur des toutes petites routes de campagne, au milieu de vergers, qui plus est sur des sentiers de randonnées régionaux, au lieu de 11 en forêt puis dans la campagne. Les villages traversés par le chemin ne justifient pas ce détour, puisqu’ils sont minuscules et ne proposent ni hébergements ni restaurants…

Nous avons traversé deux hameaux charmants, faisant une pause dans le deuxième car je ne pouvais plus aller plus loin ainsi. Une petite cloque a fait son apparition sur l’intérieur de mon talon gauche il y a trois jours et j’avais tout de suite apposé un Compeed pour la soigner au plus tôt. Elle me gênait néanmoins de plus en plus ces derniers jours, jusqu’à ce que ça devienne insupportable ce matin. J’ai retiré ma chaussure et ai enlevé le pansement, même s’il était encore bien collé. La cloque était énorme ! J’avais voulu soigner une petite boursouflure de 3 millimètres qui me dérangeait légèrement et je me retrouvais avec une ampoule de presque deux centimètres. Tu m’étonnes que ça me faisait mal en marchant ! Je l’ai percée, sentant mon pied revivre au fur et à mesure que le liquide jaunâtre s’écoulait, ai bien désinfecté la zone (je précise pour ma mère qui doit être prise de panique en m’apprenant si gravement blessée) et ai recollé un nouveau Compeed. Quelle joie ! Quelle délivrance ! Quelle revivaison ! Aussitôt repartis, je me sentais à nouveau en pleine forme, j’aurais pu aller jusqu’à Rome d’une traite tant mes pieds ne me faisaient plus souffrir !

Pause de midi

Nous avons marché un moment en quête d’un banc pour faire notre pause de midi. Nous en avons aperçu deux : le premier était occupé par des cyclistes, ce qui nous a semblé très injuste car ces roulants sont déjà assis toute la journée et ne volent les bancs que pour agacer les vaillants marcheurs, tandis que le deuxième était envahi par les orties. Nous sentions la faim gagner du terrain et avons pris place sur un très long banc à Unterteuringen, aux côtés de trois personnes âgées. Le monsieur juste à ma droite n’arrêtait pas de nous parler mais je n’ai pas compris un traître mot de ce qu’il disait, mis à part qu’un jour son chien avait couru jusqu’à une fontaine en Hongrie. Je suis un peu sceptique par rapport à la Hongrie, car ça n’avait rien à voir et je suppose que j’ai mal compris cette partie.

Ils ont ensuite repris leur balade et nous avons fini de manger tranquillement. Jusqu’à ce qu’un chat décide de venir se frotter contre le sac de Pascal. Logan dormait et ne l’avait pas vu, nous essayions de le chasser sans faire trop de bruit mais il réclamait des câlins. Il a commencé à miauler, Logan a jailli de dessous le banc et renversé sa gamelle d’eau. Le chat a détalé mais est revenu s’asseoir à une dizaine de mètres, narguant Logan. Celle-ci devenait folle, pleurait et criait, ce qui a eu le mérite de faire rire un jeune gaillard qui traversait la rue un peu plus loin. Après une dizaine de minutes le chat s’en est allé et Logan a repris sa sieste.

Un pèlerin nous a rejoints une demi-heure plus tard et s’est assis sur ce long banc. En nous voyant, il a dit : “Ah ! les pèlerins avec le chien ! Je croyais que vous étiez derrière moi…” Nous l’avions également reconnu sans l’avoir jamais rencontré, il s’agissait de Francesco, parti de Francfort il y a un peu plus d’un mois. Il a dormi une nuit avant nous au Cursillo-Haus et avait entendu que nous avions réservé une chambre, tandis qu’Ulli nous avait parlé de lui dans la soirée. Nous avions également vu plusieurs fois son nom dans les livres d’or des églises, sachant ainsi quand il y été passé. Nous avons fait de grosses étapes ces derniers jours et c’est pourquoi nous l’avons rattrapé. J’aime bien les petits potins du chemin qui te permettent de savoir où se trouvent les autres marcheurs, de garder des nouvelles d’anciens compagnons de route, de connaître les gens avant de les rencontrer. En France et en Espagne, quand il y avait beaucoup plus de monde sur les chemins, nous entendions parler pendant des semaines parfois de certains pèlerins atypiques. Quand nous les rencontrions, il nous semblait déjà les avoir fréquentés depuis longtemps. Et certaines personnes ne croisaient jamais notre route, demeurant à nos yeux des légendes.

Nous n’avons pas parlé longtemps avec Francesco car un orage arrivait. Il a fui avant que nous ayons le temps d’empaqueter nos affaires. La pluie s’est abattue par grosses gouttes aussitôt après son départ, puis s’est calmée un peu pour le reste de l’après-midi.

Il nous restait une bonne heure de marche jusqu’à l’hôtel, dans la campagne. Un cheval dans un enclos est accouru pour saluer Logan lorsque nous sommes passés à sa hauteur. Il a foncé sur les clôtures sans hésitation et a passé sa tête à travers les fils électrifiés, qui ne semblaient pour le coup pas électrifiés. Logan était intriguée mais peu rassurée, s’approchant un peu pour renifler le museau de l’équidé avant de faire un immense bond en arrière quand celui-ci a bougé une patte. Elle avait également eu l’honneur de rencontrer une jeune chèvre dans la matinée et avait eu la même réaction courageuse.

Leimbach

Arrivés à l’hôtel, nous avons posé nos sacs, ôté nos vestes et nous sommes allongés sur le lit juste deux secondes avant de prendre la douche, le temps de relâcher un peu les muscles. Deux secondes qui ont duré un soupçon plus, car nous nous sommes réveillés deux heures plus tard… J’ai dormi d’un sommeil très profond et réparateur, ce qui m’a fait un bien fou !

Nous nous sommes ensuite douchés et avons soupé des tartines, réalisées avec les pains et les petites barquettes de beurre et de miel récupérées à l’hôtel ce matin. Cela ne se fait certainement pas, mais nous ne trouvons pas de si petites portions emballées hermétiquement en magasin et, vu les prix des chambres ces derniers jours, je pense que nous pouvons nous accorder un beurre…