Belle journée au soleil

Nous avons quitté l’hôtel tôt car nous ne savions pas où nous allions passer la nuit. Tous nos appels hier se sont révélés sans succès et nous ignorions si nous devrions marcher 15, 20 ou 25 kilomètres. Bon, entendons-nous, tôt signifie peu après 8 heures. Nous n’allons pas non plus nous lever aux aurores…

Le chemin passait par alternance dans des forêts et des champs, et tantôt au dessus d’autoroutes dont le doux bourdonnement nous a accompagnés toute la journée. Les sentiers de forêt étaient particulièrement agréables sous la semelle et l’air y était plus frais. Dans les champs de maïs ou de tabac, l’ombre était quasi inexistante et les températures dépassaient les 30 degrés. Si Pascal et moi ne sommes pas particulièrement importunés par ces chaleurs, elles ne plaisent pas du tout à Logan qui traine alors les pattes et tire une langue d’au moins un mètre.

Dans un petit bosquet, nous avons aperçu un lapin entre les arbres, puis un deuxième, et encore un sur le chemin devant nous. Pas le temps de réagir, Logan l’avait aussi repéré et partait à sa poursuite dans le champ de maïs sur notre droite. Nos appels ne l’importaient peu et nous avons attendu quelques minutes, inquiets, qu’elle resurgisse sur le sentier. Le fait qu’elle chasse le lapin ne nous plaît pas spécialement, mais nous craignons surtout que dans sa course folle elle ne déboule sur une route et soit percutée par une voiture. Si elle est bien dressée, nous savons que nos ordres n’ont cependant plus d’effet lorsqu’elle voit un chat ou un lapin.

Pascal a entre-temps rappelé les différents hôtels et gîtes qui ne répondaient pas hier. L’un d’eux était complet, l’autre n’acceptait pas les chiens, et finalement le troisième, situé à Abenberg, nous recevait volontiers. Seul hic, c’est un château très luxueux et le prix de la chambre dépasse largement notre budget. Nous avons bien augmenté notre budget par rapport à notre premier trek en 2013, où nous avons été logés pour 10-15 euros en moyenne. Ici, nous n’avons pour l’instant pas vu de gîtes spécialement dédiés aux pèlerins et nous allons devoir séjourner dans des hôtels ou maisons d’hôtes en tout cas jusqu’en Suisse. Nous avions anticipé cela dans nos calculs, mais l’hôtel que nous avons trouvé pour cette nuit dépasse malgré tout notre budget. Toutefois, nous avions au moins une réponse positive et nous ne pouvions pas la refuser. Nous avons tout de même décliné leur proposition encore plus onéreuse de dormir dans le donjon et nous contenterons d’une chambre standard…

Le chemin devait ensuite passer sous une autoroute, mais le tunnel étant en travaux, une déviation avait été mise en place. Nous avons alors suivi ce détour et souhaitions regagner le chemin un peu plus loin, mais la route qui devait nous y conduire était barrée. Nous avons alors usé de toute notre ingéniosité et avons suivi les panneaux routiers, avant d’apercevoir un clocher d’église. Le chemin de Saint-Jacques va d’église en chapelle ; il paraissait dès lors évident que nous étions sur la bonne voie. Nous avons fait une petite pause à Schwabach, très jolie ville qui, d’après notre guide, détient la plus belle place de Franconie (c’est une des régions de Bavière, si nous avons bien compris). Nous avons profité de ses commerces pour effectuer quelques courses et tamponner nos crédenciales. Malheureusement, nous n’avons pas pu nous arrêter suffisamment longtemps pour visiter son musée qui détient une superbe collection d’oeufs et de trains miniatures d’une fameuse marque dont j’ai oublié le nom.

Les indications pour quitter Schwabach n’étaient pour le moins pas claires et nous nous sommes égarés quelques fois. Les coquilles étaient rares, mal placées, et le guide n’était pas très précis. Nous avons bien dû marcher un kilomètre en plus de ce qui était prévu, alors qu’il faisait très chaud et que nous étions dans des ruelles goudronnées peu intéressantes et en plein soleil. Nous avons ensuite rejoint un petit bois dont le sol était tapissé de myrtilles. Pascal et moi commencions à avoir faim et étions ravis de pouvoir grignoter en route. Logan, elle, s’est donné un malin plaisir à se rouler dans les buissons, tentant sans doute de détruire le plus de nature possible et ressortant pleine de tâches rouges un peu partout. Il y avait également d’immenses orties sanguinaires et insatiables qui nous arrivaient jusqu’aux épaules et barraient parfois la route. Leurs piqûres m’ont rappelé les promenades d’école quand j’étais encore petite…

Nous avons dîné sur un petit banc juste avant le village d’Haag. Une bonne heure de pause qui nous a permis de récupérer toutes nos forces, y compris pour Logan qui a dormi profondément. Une fois repartis, nous sommes passés près de petits étangs couverts de nénuphars. Un joli canard se trouvait au milieu de l’un d’eux et Pascal a voulu le photographier. Au même moment, Logan l’a aperçu et s’est jetée dans l’eau pour l’attraper. Elle s’est souvenue à l’instant qu’elle a peur lorsqu’elle n’a pas le fond et est ressortie aussitôt de l’eau, effrayée et entièrement mouillée. Du coup, Pascal n’a pas pu photographier l’oiseau qui avait eu tout le temps de s’envoler…

Il nous restait une heure et demie de marche jusqu’à Abenberg, dans des jolies forêts aux arbres si longs et verticaux qu’on n’en voit à peine le sommet. Abenberg est un magnifique village médiéval. La première fois que nous l’avons aperçu, à l’orée des bois, nous avons pensé à un décor de carte postale. Nous avons également ressenti un profond désarroi en découvrant le château si haut sur sa colline. Au final, la montée n’était pas si terrible et nous avons pu prendre possession de notre chambre, qui se trouve en réalité en contrebas des murailles. Mais nous avons quand même dû aller jusqu’à tout en haut, car la réception est au château. Les faibles ne sont pas les bienvenus ici.

Nous pensions manger un petit pique-nique pour rétablir un peu le budget, mais en passant nous avons jeté un coup d’oeil au menu du restaurant du château. Nous sommes des faibles, donc nous avons finalement soupé là et c’était excellent.

Nous ne parvenons pas à trouver d’hébergement pour demain et cela commence à nous inquiéter. Beaucoup d’hôtels sont en vacances, ce qui nous semble bizarre en pleine haute-saison. D’autres sont complets et les derniers ne répondent jamais au téléphone. Nous souhaitons réserver des hébergements pour les 3-4 prochains jours, mais tant que nous n’avons pas trouvé le premier nous ne pouvons pas réserver la suite… Nous avons laissé des emails à tous ceux qui ne répondaient pas et espérons avoir une réponse positive demain matin. Sinon, nous ne savons pas trop comment nous allons faire… Nous ne pouvons pas marcher tous les jours plus de kilomètres que ce que nous voudrions, alors peut-être trouverons-nous des bus qui nous conduiront jusqu’à un hôtel pour y passer la nuit et retour le lendemain pour reprendre la route.

Côté santé, tout va bien. Ma cheville tient bien le coup et a avalé les 24 kilomètres d’aujourd’hui avec bravoure. Mes hanches saillantes enflent un peu et sont douloureuses là où la ceinture du sac appuie. J’avais eu ce même problème il y a trois ans et il était passé après quelques jours, donc rien d’inquiétant non plus. Pascal également pète le feu, même s’il a un peu “les jambes fatiguées”. Logan, elle, dort.

Incertitude

Nous avons cherché une solution pour l’hébergement de demain jusqu’à tard dans la nuit, pendant plus de trois heures. Tous les hôtels semblent complets car il y a des festivals dans la région, d’après ce que nous ont dit nos interlocuteurs. Nous avons regardé les correspondances des bus et tous les petits villages que nous traversons sont terriblement mal desservis. Il n’y a qu’un ou deux bus par jour, parfois plus mais à des horaires improbables.

Nous ne nous étions pas inquiétés outre-mesure avant d’arriver à Nuremberg, car nous avions vu qu’il y avait des hébergements dans presque chaque village, soit en tout cas un chaque 5 kilomètres, avec souvent au moins une dizaines de chambres. Nous ne pouvions tout simplement pas réserver à l’avance, car nous ne savons les prochaines étapes que trois ou quatre jours en avance, en fonction de notre état de santé, de celui de Logan, etc. Inutile de réserver pour deux semaines, avoir des cloques le troisième jour et devoir tout annuler…

Entre Wernfels à 11 kilomètres d’Abenberg et Gunzenhausen à plus de 30 kilomètres, nous avons tenté de joindre absolument tous les hôtels, pensions, gîtes, soit plus d’une quinzaine d’hébergements, en vain. Nous avons une série d’adresses dans notre guide, plus une liste imprimée sur le site du chemin de Saint-Jacques que nous suivons. Nous avons en plus regardé sur les sites de réservation sur Internet depuis notre tablette, également les autres formes d’hébergement comme le woofing ou le couch-surfing. Rien. Nous avons regardé alors pour prendre un bus depuis l’un de ces villages, rejoindre une ville, dormir là et revenir le lendemain. Très très compliqué.

Nous avons finalement abandonné nos recherches et avons choisi de marcher jusqu’à Igelsbach et de regarder en cours de route si nous trouvons quelque part où dormir. Dans le cas contraire, nous prendrons un bus jusqu’à Gunzenhausen puis un autre bus nous amènera à Oettingen, 2 étapes plus loin. Nous avons réservé un hôtel à Oettingen, que nous pouvons annuler jusqu’à 16 heures sans frais. Nous verrons sur place ce que nous ferons ensuite. Une dernière solution consisterait à aller directement à Ulm et reprendre la route là-bas, mais cela nous ferait rater une dizaine d’étapes, donc elle n’est pas idéale.

Nous sommes un peu déçus par l’accueil réservé aux pèlerins sur ce tronçon. Il est tout bonnement inexistant pour l’instant. Les gens que nous contactons par téléphone ne sont pas très amicaux et n’essaient en aucun cas de nous aider. Nous savions que ce n’était pas une autoroute à pèlerins comme en France ou en Espagne, mais lors de notre voyage il y a trois ans nous avions fait connaissance et marché avec une dizaine d’Allemands qui venaient tous de cette région et étaient partis des environs. Nous avions alors logiquement pensé qu’il y aurait quelques pèlerins sur ces chemins, mais visiblement nous avions tort. Nous n’avons tout simplement croisé aucun autre marcheur, simple promeneur d’une journée ou pèlerin. Les personnes que nous rencontrons dans les hôtels ou magasins semblent ne pas savoir qu’un chemin de pèlerinage passe devant chez eux. Il n’y a d’ailleurs pas beaucoup d’hébergements dédiés aux pèlerins et nous dormons pour l’instant uniquement dans des hôtels. Nous portons ainsi inutilement nos sacs de couchage, linges, savons, etc., puisqu’ils sont à chaque fois fournis.

Nous savons qu’il sera difficile d’être logés dans des gîtes ou dortoirs avec Logan, mais nous espérons toutefois retrouver cet esprit d’accueil et d’entraide qui nous avait séduit lors de notre premier voyage.