Sur les hauteurs du lac de Thoune

Le chemin de Saint-Jacques passe au nord du lac de Thoune. Nous avions prévu de suivre cet itinéraire, puis traverser le lac en bateau de Gunten à Spiez, d’où nous serions partis en direction de Kandersteg. Après étude des chemins de randonnée, nous avons réalisé que nous pouvions parcourir une distance bien plus courte et avec moins de dénivelé en passant par le sud du lac. Cela nous permettait surtout de réduire la longue étape de près de 30 kilomètres prévue demain et de surcroît d’effectuer ce tronçon intégralement à pied.

Nous avons donc quitté les chemins de Saint-Jacques que nous suivions depuis Nuremberg. Pour la première fois, nous ne marchions plus en direction de Compostelle. Pas encore sur la Via Francigena que nous rejoindrons à Martigny, donc pas tout à fait encore vers Rome. Nous allions pour la première fois en direction du Valais, état tampon entre ces deux grandes voies de pèlerinage. Vers la maison.

Pas le départ le plus palpitant mais lisez quand même pour découvrir un jeu simple, vite mis en place, évolutif et adapté à un ou mille joueurs

Nous avons traversé Interlaken une nouvelle fois. Elle était ce matin calme et déserte, mais cela ne nous a pas pour autant permis de plus apprécier cette ville vendue aux richissimes touristes. A la sortie de la ville, nous avons pris un peu de hauteur et avons marché le long d’une semi-autoroute très fréquentée et bruyante. Les quelques points de vue sur le lac de Thoune étaient gâchés par les lignes électriques, il faisait encore frais et ce début d’étape n’était pas des plus enchanteurs.

Nous avons fait une pause assis sur nos sacs et avons, comme des gamins, joué à lancer des cailloux sur une pierre plus grosse un peu plus loin. Le premier qui atteignait trois fois la cible gagnait. Après une demi-heure, il ne restait plus de cailloux autour de nous et on aurait dit qu’un glissement de terrain avait emporté la moitié de la montagne sur la route juste en dessous. Pour notre défense, il convient de préciser que la cible se trouvait à au moins trois mètres de nous !

Chemin panoramique

Nous avons ensuite gagné un peu plus d’altitude alors que nous nous éloignions du lac. Le chemin alternait une nouvelle fois entre forêts et alpages et nous conduisait toujours un peu plus vers le calme. Pour tout dire, nous nous sommes assez vite retrouvés au milieu de nulle part. Je pouvais alors exercer mes talents de chanteuse sans que personne n’en pâtisse. Enfin, peut-être Pascal mais je crois qu’il commence à s’habituer…

Alors que nous arpentions des alpages, nous avons aperçu une ferme qui vendait des produits laitiers. Nous y avons acheté un bout de fromage ainsi qu’un litre de lait frais, non pasteurisé. Pascal et moi adorons le lait, encore plus celui qui n’est pas traité. Il était crémeux et avait ce subtil goût d’étable qu’on ne retrouve pas dans les laits de supermarchés. Nous avons bu tout le litre en moins d’une heure et le sentions étonnamment peser ensuite un peu sur l’estomac…

Le chemin que nous suivions alors était le sentier panoramique du lac de Thoune. Nous nous trouvions cette fois bien plus haut que les lignes à haute tension et avions tout loisir de photographier le lac et ses montagnes protectrices. Le Niesen, comme dessiné à la règle, se dressait fièrement devant nous. Il constituait notre point de repère puisque nous devions atteindre la vallée à ses pieds.

Le roi des bancs bernois

La vue sur le lac était sublime depuis un alpage et nous avons décidé de nous y arrêter pour pique-niquer. Un joli banc face à ce panorama de carte postale a tout de suite attiré notre attention et ce n’est qu’en déballant nos affaires que nous avons aperçu la pancarte précisant qu’il s’agissait du meilleur banc de tout l’Oberland bernois. Nous n’avons pas pu tester tous les bancs de la région mais nous accordons sans hésitation quatre étoiles à celui-ci. Une assise confortable, longue et large, un dossier juste à la bonne hauteur, une vue superbe, un bois de qualité bellement gravé. Le seul défaut à notre goût qui empêche au banc d’obtenir les cinq étoiles tant convoitées, c’est l’absence d’ombre pour les jours de grande chaleur, de poubelle et de fontaine. Nous classons donc ce siège en seconde place, derrière le banc de classe mondiale sur lequel nous avions posé nos séants entre Neresheim et Giengen.

Le Mordor

Nous avons repris la route repus et avons marché un peu plus d’une heure dans des alpages où le chemin n’était pas toujours très évident à repérer et un peu scabreux. J’ai téléphoné à ma mère qui nous a rassurés sur l’état de Logan. Elle ne boite plus du tout et s’agace de ne pas pouvoir jouer et courir à son gré. Tant mieux !

Arrivés en haut d’un champ, la vallée de la Kander est soudainement apparue face à nous. Les nuages s’entassaient au fond de la vallée et la rendaient sombre, inquiétante. Nous voyions les villages que nous devrons traverser demain et, tout au fond sur la gauche, là où nous devrons nous enfoncer pour franchir la Gemmi et quitter les terres bernoises. Nous avions l’impression d’être Sam et Frodon lorsqu’ils découvrent au loin le Mordor, noir et menaçant. Bon d’accord, la vallée de la Kander reste charmante et plutôt avenante même avec quelques nuages, mais si on imagine un gros oeil rouge et quelques volcans on s’y retrouve vite, non ? (Si cette référence ne vous inspire rien, vous avez peut-être raté un film à voir…)

Nous sommes redescendus dans cette vallée pas si inquiétante jusqu’à Mülenen d’où nous avons marché sur les berges de la Kander jusqu’à Reichenbach. Nous avons là pris un train pour aller souper et dormir chez ma grande soeur à Berne.