Repartis d'un bon pas

Le chemin que nous avons emprunté pendant une bonne partie de la journée était considéré comme une voie panoramique. Le propriétaire de notre hébergement nous a même dit qu’elle figure parmi les 5 randonnées préférées des Allemands. Personnellement, je n’ai pas constaté de réelle différence par rapport aux derniers jours… Le chemin est plaisant, il ne passe que rarement sur des routes et la progression paraît rapide car les paysages sont diversifiés. Mais il passe au milieu de champs de maïs ou de blé, puis dans des petits bosquets. La vue est agréable puisque la campagne nous entoure, mais elle n’est pas extraordinaire comme on pourrait s’y attendre en empruntant un chemin panoramique.

Nous avons parcouru les 10 premiers kilomètres jusqu’à Gnotzheim d’un bon pas, chantant à tue tête le tube de A-ha en passant non loin du village de ...Aha. Taaaake on meeeee… Nos douces voix ont certainement fait déguerpir tout le gibier qui se trouvait alentour et aurait pu intéresser Logan. Nous avons ainsi pu la lâcher sans crainte et elle a trouvé un jouet oublié par l’un de ses congénères en contrebas du sentier. Visiblement, les distances parcourues les jours précédents ne l’ont pas du tout affectée, puisqu’elle a sautillé gaiement avec son nouveau jouet pendant plus de 5 kilomètres, avant que nous ne le rangions pour la ménager et qu’elle avance un peu.

Dans la forêt, nous avons réalisé que la chanson Vanina résonne à merveille. Dave s’est peut-être retourné dans sa tom.... oups, pardon. Dave avait peut-être les oreilles qui sifflaient un peu, mais c’était splendide. Au moment où j’ai constaté que je connaissais presque par coeur toute la chanson, j’ai maudit mon ancien collègue de travail Guillaume… Logan s’amusait quant à elle avec des morceaux de bois depuis que nous lui avions confisqué son jouet. Elle ne pouvait pas se contenter de branches normales, il fallait qu’elle courre avec des semi-troncs en bouche. A un moment, elle m’a dépassée en trombe, sauf qu’elle a mal estimé la distance et le tronc a heurté très violemment mon mollet. J’ai depuis un bleu et une bosse, et comme c’est en plein sur mon maigre muscle ça fait mal à chaque pas…

Nous avons fait une pause juste avant Gnotzheim, sur un banc au milieu de champs qui empestaient le fumier. Gnotzheim… Ce nom de village ne m’évoque rien de positif. Je trouve qu’il pourrait y avoir la centrale nucléaire de Gnotzheim, la décharge de Gnotzheim ou la prison de Gnotzheim. Pas un charmant petit village tout à fait paisible avec une belle place de jeux…

Après ce village au nom délicieux, le chemin nous conduisait à Spielberg, ancien bourg médiéval sis sur une colline 2 kilomètres plus loin. Enfin, 2 kilomètres c’est pour les randonneurs qui suivent la route panoramique, ou les cyclistes qui ont des panneaux encore différents. Le chemin de Saint-Jacques, lui, nous a menés de l’autre côté de Gnotzheim afin que nous soyons certains de passer devant l’église, puis sur une petite route de campagne qui contournait la colline de Spielberg. Nous nous disions alors que nous allions éviter ce village, mais non. Le chemin montait ensuite à pic pour nous mener au pied du château. Bref, 2 kilomètres en plus au final…

Nous avons pique-niqué sur une jolie place à Heidenheim. Je me suis fait un hot-thon, recette élaborée et perfectionnée en Espagne en 2013, et qui se révèle idéale en pique-nique. Je vous livre mon secret : prendre une baguette de pain ; la partager en deux ; donner la moitié à Pascal ; dans la moitié restante, forer délicatement un trou sans percer le fond ; ouvrir la boîte de thon ; enlever le surplus d’huile ; verser la boîte dans le trou préalablement réalisé ; tasser énergiquement avec la fourchette à dessert (moins lourde qu’une fourchette normale) ; montrer à Logan tout ce qui est tombé ; manger en commençant par le côté percé.

C’est comme un hot-dog en fait, sauf qu’il y a du thon à la place du chien, et qu’il n’y a pas de mayo ou de ketchup parce que c’est trop lourd.

Un monsieur nous a informé qu’un autre pèlerin d’à peu près notre âge était passé là quelques heures plus tôt. Il se rendait à Oettingen ce soir, donc a une étape d’avance sur nous. C’est toutefois bon signe de savoir que nous ne sommes pas seuls, même si nous ne le rencontrerons probablement jamais.

Il n’y avait pas d’hébergement libre à Heidenheim, aussi la demoiselle de l’office du tourisme nous avait-elle trouvé une chambre à Hechlingen am See, village situé 5 kilomètres plus au sud. Il ne se trouve pas sur le chemin de Compostelle, mais ne constitue pas non plus un détour. Nous l’avons rejoint en suivant une très belle piste cyclable éloignée de la route, le long d’un petit canal. Il faisait alors beau et chaud et cette dernière heure de marche de la journée nous a beaucoup plu.

Notre chambre se situe dans une maison tenue par Trudi. Elle ne s’appelle pas du tout Trudi, mais ça lui va bien. La maison est d’un mauvais goût extrême et n’a pas dû subir la moindre rénovation depuis au moins trente ans. Dans notre chambre, rien ne va. Absolument rien. Le plafond est en lambris, les murs ont été décoré de façon douteuse avec des milliers de petites tâches de peinture multicolore, les catelles derrière le lavabo sont d’un vert répugnant, la moquette date d’avant la Guerre de trente ans, les armoires et les lits sont un assemblement bancal de planches en contreplaqué vert et brun, les coussins des chaises n’auraient même pas leur place dans un musée sur Louis XIV… C’est ravissant, en somme. Malgré tout, cela ne nous dérange pas du tout et nous sommes satisfaits d’avoir une place où dormir, qui est malgré tout propre. Et Trudi est gentille.