Long et monotone

Le déjeuner de l’hôtel s’est révélé à l’image de celui-ci : mauvais. Il faisait très froid et un chocolat chaud nous aurait réchauffés un peu, mais la dame qui s’occupait du déjeuner a semblé trouver qu’il s’agissait de la demande la plus saugrenue au monde. Nous avons donc été chercher nos pulls. Il n’y avait pas de pain, pas de fruits, pas grand chose en fait. Nous nous sommes contentés de quelques biscottes, un croissant, un jus de fruit acide et sommes partis. Nous sommes passés devant la réplique de la statue de la louve allaitant Rémus et Romulus, et avons ensuite marché pendant près d’une heure le long de la même route. La sortie de Piacenza est aussi palpitante que l’entrée ! Il y avait au moins des trottoirs cette fois et toujours ces baraquements militaires protégés par des fils barbelés.

Nous avons fait une pause sur le banc d’un arrêt de bus à Montale, face à un centre commercial. J’ai été faire des emplettes dans une épicerie qui proposait des produits plus appétissants les uns que les autres. Des charcuteries, des fromages, des pâtes fraîches… J’aurais tout pu acheter ! J'ai malheureusement dû me contenter d’une maigre sélection pour le pique-nique de midi et de nouvelles bouteilles d’eau. La vendeuse était très sympathique et nous avons papoté quelques minutes pendant qu’elle préparait ma commande. Quand je suis ressortie, un couple d’Allemands avait rejoint Pascal à l’arrêt de bus. Ils n’ont que trois semaines de vacances et ont décidé de prendre le bus pour avancer un peu afin de parvenir à Rome à temps. Nous ne comprenons pas pourquoi, s’ils sélectionnent les étapes qu’ils font, ils ont marché les dernières… Ce ne sont vraiment pas les jours les plus variés et intéressants à notre avis !

Route dangereuse

La voie officielle partait ensuite sur des routes plus petites au Sud tandis que notre guide anglais proposait de continuer encore quelques kilomètres sur ce gros axe avant de rejoindre les routes de campagne. Cette alternative nous faisait parcourir 8 kilomètres en moins. Comme 34 kilomètres étaient prévus sur l’étape et que, routes de campagne ou non, ils s’annonçaient pénibles, nous avons choisi l’option du guide anglais. Nous avons ainsi continué sur la même route jusqu’au village de Pontenure où nous avons fait une pause. Il nous restait alors 4 kilomètres sur cette route et ils se sont révélés très dangereux. Si nous avions su que ce serait ainsi, nous aurions choisi la variante plus longue ! Il n’y avait pas de trottoir et peu d’espace sur le bord de la route. Les véhicules, y compris beaucoup de camions, circulaient à très haute vitesse. Nous avons marché le plus vite possible et je n’étais vraiment pas rassurée. Cela m’aurait un peu embêtée de me faire tuer là pour quelques kilomètres de gagnés ! A mi-distance, nous avons rejoint des champs de tomates et nous avons décidé de marcher là, juste en contrebas de la route. Nous avons ainsi pu nous calmer et avancer bien plus sereinement, jusqu’à atteindre la petite route en gravier qui nous emmenaient loin de cette voie. Si le chemin est alors devenu bien plus sécurisé, il n’en est pas moins demeuré pénible. Il n’y avait que des champs de tomates autour de nous, pour la plupart déjà cultivés et il ne restait alors que de vastes étendues de terre. C’était bien sûr d’une platitude et d’une sécheresse extrêmes. Et puis ces routes en graviers ou avec des petites pierres ne permettent pas d’avancer vite et fatiguent les pieds. D’ailleurs, Logan a commencé à boiter aussitôt que nous avons commencé à marcher là et nous lui avons enfilé ses nouveaux petits chaussons sur les pattes avant. Elle ne voulait tout d’abord pas poser les pattes et faisait des petits bonds à la fois ridicules et attendrissants. Et puis petit à petit elle a compris qu’elle pouvait marcher normalement et ne boitait plus. Nous pensons que ses coussinets ont été un peu abimés par la chaleur et la dureté des routes de ces derniers jours et espérons que ces chaussons pourront l’aider à avancer sans souffrir.

Dîner dans les champs

Nous avons voulu dîner contre le mur d’une des rares maisons devant lesquelles nous sommes passés. Nous étions assis confortablement quand la propriétaire nous a demandé de plutôt aller dans le pré car de nombreuses voitures se rendaient dans son petit magasin de légumes. Je lui ai expliqué qu’il n’y avait pas d’ombre ailleurs et que nous ne prenions que peu de place, en vain. “C’est trop dangereux si vous restez là avec tout le trafic !” Nous avons donc été nous asseoir contre un tracteur dans un champ et c’était très inconfortable, aussi nous sommes-nous déplacés au soleil et dans l’herbe après quelques minutes. Pendant toute la durée de la pause, nous n’avons pas aperçu la moindre voiture et donc pas le moindre client du magasin de légumes…

Rivière

Nous avons marché sur des chemins de terre ou de gravier pendant plusieurs kilomètres encore, arrivant à un moment à une petite rivière qu’il fallait traverser. Il n’y avait aucun pont et l’eau arrivait un peu en-dessous du genou. Quatre pèlerins avaient enlevé leurs chaussures et traversaient le cours d’eau quand nous sommes arrivés. Il s’agit d’un couple d’Américains et d’un couple d’Australiens qui visiblement marchent ensemble. Ils ne nous ont cependant pas attendus et nous n’avons pas pu vraiment discuter.

Une fois nos chaussures retirées, nous avons traversé la petite rivière. L’eau était fraîche et très claire et cela s’est révélé particulièrement agréable ! Nous en avons convenu qu’il faudrait de temps en temps que le chemin passe dans des cours d’eau, pour rafraîchir le corps et apporter de nouvelles sensations. J’ignore pourquoi cela semble un peu irréalisable… Logan était enchantée de pouvoir jouer dans l’eau et nous l’avons laissé s’amuser quelques minutes.

Sauvés par les Américains, comme toujours

Peu après être repartis, nous sommes passés devant un jardin d’où un énorme berger allemand aboyait sur Logan. Alors que nous sommes parvenus à la hauteur de la maison, le chien est sorti de son enclos et s’est rué sur Logan, lui montrant les crocs tout en grognant et en aboyant. Je ne savais pas trop comment réagir, ne voulant pas faire de gestes brusques vers le chien en ne sachant pas s’il s’en irait ou m’attaquerait. Je ne voulais pas non plus détacher Logan, car elle serait partie en courant et je n’étais pas sûre qu’elle était plus rapide que le molosse teuton. La propriétaire du chien est sortie et je lui ai sommé de le rappeler. Elle a lancé un “Oscar ! Vieni !” sans conviction depuis la porte de sa maison, ne daignant pas s’approcher pour venir chercher sa sale bête. Bien que nous nous éloignions petit à petit de son territoire, le chien ne nous laissait pas tranquilles et nous étions très empruntés. Et puis évidemment, les Américains sont venus nous sauver. Les quatre anglophones faisaient une pause dans l’herbe un peu plus loin et les deux Américains, voyant que la scène se prolongeait, se sont levés et ont couru en criant sur le chien de partir, le repoussant avec leurs bâtons de marche. Oscar est reparti aussitôt, la queue entre les pattes. Vu sa réaction, il a déjà dû avoir à faire avec des bâtons… En tout cas, nous étions soulagés de cette intrusion et avons remercié nos héros avant de poursuivre notre chemin.

Fiorenzuola

Une fois à Fiorenzuola, la rue sur laquelle passe la Via Francigena était barrée pour travaux et nous avons demandé notre route à un jeune homme qui s’était exclamé en voyant Logan qu’elle avait une queue magnifique. Il nous a indiqué l’emplacement du gîte avec une précision incroyable. Les gens sont vraiment très serviables par ici, bien plus enclins à venir en aide que là où nous avons marché en Allemagne ! Grâce à lui, nous avons trouvé rapidement le gîte paroissial et avons pris place dans une petite chambre encombrée mais relativement propre. Seul hic, et pas des moindres, il n’y avait pas d’eau chaude ! Juste tiède, plutôt froide. Pour moi, c’est catastrophique. Je ne supporte pas le froid ! Dès qu’il fait moins de 25° C, j’ai la chair-de-poule. Plus froid, mes doigts deviennent violets, jaunes ou blancs et je ne les sens plus. Sous cette eau tiède qui me paraissait glaciale, je claquais des dents et il m’a fallu plus d’une heure pour me réchauffer ensuite…

Nous avons donc été manger une glace pour que je me sente mieux. Combattre le mal par le mal ! Si un jour vous passez dans la région, arrêtez-vous pour une glace à Fiorenzuola ! C’est tout simplement la meilleure que nous ayons mangée jusqu’à présent et nous avons déjà fréquenté pas mal de gelaterie. Toutes les glaces sont préparées avec des aliments naturels : pas de goûts artificiels, de poudres, de colorants ou autres saletés. Et puis en dehors des arômes traditionnels, des associations atypiques sont proposées. J’ai choisi une boule noisette, un de mes inconditionnels, puis une boule ricotta-amandes-figues pour innover. Quel délice ! La glace noisette était tellement succulente que j’en bave encore en écrivant cet article…

Nous avons fait un petit tour dans ce village très accueillant et plaisant tout en mangeant nos glaces et sommes ressortis un peu plus tard pour trouver un restaurant. Nous nous sommes arrêtés à une osteria tout au sud du village qui propose des pâtes faites maison. Le cadre était très joli, avec des objets anciens par-ci, par-là. Il y avait notamment une vieille photo sur le mur à côté de notre table. Une photographique en noir et blanc de cent-cinquante personnes peut-être, toutes sérieuses et fières devant une grande bâtisse. Et puis tout en bas dans le coin, un petit garçon avec un pull rayé un peu étroit, les bras croisés, les sourcils froncés, qui boudait. Il en faut toujours un ! J’ai attrapé un fou-rire en apercevant ce bambin et j’en pleurais encore quand le serveur est venu prendre la commande. Comme je ne parvenais pas à formuler ce que nous voulions manger tant je riais, il m’a demandé ce que j’avais et je lui ai montré le garçon. Le fait de le revoir a relancé mon fou-rire. Heureusement, le serveur était très jovial et il a aussi trouvé cela comique. Il s’interrogeait ensuite sur l’histoire derrière cette photo en attendant que je reprenne mes esprits et j’ai pu passer commande après un petit moment. Je me suis ensuite forcée à ne plus tourner la tête à droite de tout le repas.