Dernière sortie de Logan

Aujourd’hui encore, les hébergements ne nous permettaient pas de faire une étape de 25 kilomètres comme nous les apprécions. Soit nous nous arrêtions à Sarzana après 18 kilomètres, soit nous en parcourions encore 17 pour atteindre Avenza. Après la grosse étape d’hier, nous n’étions pas motivés à marcher à nouveau 35 kilomètres avec pas mal de dénivelé, aussi avons-nous choisi Sarzana. Nous n’avions alors pas besoin de partir aux aurores et nous avons bien pu nous reposer dans notre grand couvent désert. Nous avons pris la route vers 8h30, avons acheté un croissant en marchant et rempli une bouteille de lait à un distributeur. Je suis une fan inconditionnelle des distributeurs de lait frais ! Nous n’en avions plus vu depuis Lungern et j’étais heureuse comme un idiot bambin devant un sapin de Noël en découvrant celui d’Aulla. Le lait avait un très bon goût, légèrement vacheux en fin de bouche. De quoi me donner suffisamment de force pour gravir en trottinant les 600 mètres de montée qui nous narguaient juste après la ville. Enfin, je n’ai finalement pas trottiné puisqu’il me fallait attendre Pascal, mais j’aurais pu sans problème…

Logan

Par contre, Logan semblait avoir oublié sa fatigue d’hier soir et elle a couru sans interruption les trois premiers kilomètres de montée. Elle sprintait une vingtaine de mètres, revenait ensuite en courant pour comprendre comment cela se faisait que nous n’étions pas encore arrivés, allait chercher un bout de bois dans un talus, repartait à nouveau, etc. Increvable ! Cela nous provoquait un amer pincement au coeur de la voir si heureuse et libre, puisqu’il s’agissait aujourd’hui de sa dernière étape. Elle est en pleine forme depuis une semaine, ses coussinets sont en excellent état et c’est dur pour nous de ne pas la laisser poursuivre l’aventure. Toutefois, les chemins de gravier seront de plus en plus fréquents et ne vont pas ménager ses pattes. Nous préférons qu’elle rentre à la maison en parfaite santé plutôt qu’à nouveau blessée ou fatiguée. C’est certain qu’il y a de bonnes chances que rien ne lui arrive si nous la gardons avec nous, mais dans le cas contraire nous nous en voudrions de la voir souffrir et serions tristes de devoir rentrer en Suisse avant d’avoir vu Rome. J’ai l’impression d’être Florent Pagny qui dit non à un candidat de The Voice durant les auditions parce qu’il craint une fausse note en finale… (J’ai choisi Florent Pagny pour nos longs cheveux soyeux respectifs.) Mais prenons plutôt comme référence le sportif qui met un terme à sa carrière après un titre mondial, au plus haut niveau, adulé de tous, avant la blessure, le surpoids et le scandale avec une prostituée. Nous sommes heureux de savoir que Logan rentre en pleine forme (et surtout avant le scandale avec les prostituées) et cela nous confirme que nous n’avons pas commis d’erreur en l’emmenant avec nous dans cette aventure.

Dans les bois

Nous avons grimpé pendant plusieurs kilomètres dans une forêt de chênes et de châtaigniers embellie par les premières teintes orangées de l’automne. Après une demi-heure, nous avons dépassé Jörg et Rosamund. Ceux-ci ont dormi à Villafranca et ont pris un train ce matin pour rejoindre Aulla et marcher jusqu’à Sarzana. Je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas plutôt venus à pied jusqu’à Aulla aujourd’hui. Quand nous les avons revus au sommet de la deuxième longue montée, nous faisions le point sur la distance déjà parcourue dans l’étape et Jörg a précisé : “Enfin, nous avons deux kilomètres en plus tout de même puisque nous sommes venus depuis la gare !” Nous avons répondu par un petit sourire poli, mais tous deux nous pensions : “Et nous on a fait 17 kilomètres en plus hier, donc on aurait des raisons d’être un peu plus lents aujourd’hui…” Mais bon, inutile de discuter et chacun fait sa marche comme il l’entend. Et puis nous n’avions en réalité pas les jambes lourdes, sans doute à cause du lait frais bio.

En Ligurie

Nous avons traversé deux jolis villages perchés durant cette montée, bien plus charmants que la très laide ville d’Aulla. Une fois au sommet, nous avons fait une pause sur nos sacs avant de redescendre jusqu’à Ponzano Superiore et par la même occasion pénétrer en Ligurie. Mais surtout, nous apercevions depuis là la mer, lointaine et si proche à la fois. C’est une nouvelle étape importante de notre voyage : nous sommes venus à pied jusqu’à la mer ! Nous ne nous y sommes pas encore baignés mais la voir nous a déjà donné des petits guilis dans le ventre.

Le village de Ponzano Superiore était coloré et superbe, couronnant le sommet de la colline. Le chemin ne nous conduisait malheureusement pas au centre et, comme nous n’avions pas prévu de nous y arrêter, nous l’avons contourné et avons poursuivi la descente jusqu’au château de la Brina. La forêt de feuillus a cédé sa place à une pinède sèche et sublime. Le bord de mer se faisait sentir ! Nous avons pique-niqué sur les ruines du château, dont il ne reste que les fondations et un cylindre fendu en deux, témoin d’une ancienne tour de défense. Nous avions une belle vue sur Sarzana, Avenza un peu plus loin et même La Spezia au bord de la mer. Nous avons l’impression que c’était hier que nous dînions chez Massimo et Claudia, que nous avons quitté la Suisse il y a une semaine. Et voilà que nous mangions face à la Méditérranée. Quel bonheur !

Après avoir dîné, nous avons marché un peu moins d’une heure avant d’arriver à Sarzana. Nous avons rapidement trouvé notre hôtel, situé au centre, puis une gelateria qui propose des joghurts glacés presque autant bons que ceux de Mortara. Nous avons mangé au restaurant, emmenant Logan avec nous pour passer cette dernière soirée avec elle. Cela nous fait vraiment mal au coeur de nous dire qu’à partir de demain nous ne serons plus les deux jeunes Suisses avec le chien, qu’elle ne gambadera plus à nos côtés et que plus personne ne se retournera dans la rue pour ses beaux yeux bleus…