Jusqu'à la mer

Ce matin, les parents de Pascal rentraient de vacances et venaient chercher Logan pour la ramener en Suisse. Nous nous sommes rencontrés vers 10 heures à Sarzana et avons bu un café au centre. Même si nous avions gardé Logan avec nous, nous aurions dû nous croiser pour qu’ils m’amènent un médicament qui doit rester au frigo et dont j’avais besoin cette semaine. Pas possible pour nous de conserver quelque chose au frais quand on passe la journée au soleil et ce médicament n’est pas disponible en Italie. Leurs vacances en Toscane coïncidaient donc parfaitement avec mes besoins de grande souffreteuse frêle et je les remercie de m’avoir dépannée.

Nous leur avons laissé Logan et nous sommes séparés avec un petit pincement au coeur. Puisque nous entamions cette étape peu avant 11 heures, nous avons décidé de ne marcher que jusqu’à Avenza. Nous ferons ensuite deux étapes conséquentes pour atteindre Lucca et nous y arrêter un jour.

Sur la route

Nous avons marché presque toute la journée sur des petites routes, qui ne possèdent jamais de trottoir. Même au centre des villages, nous devons toujours marcher au milieu de la route car les bords sont occupés par les voitures parquées. Les automobilistes ne sont pas des plus courtois et semblent terriblement agacés de devoir nous éviter, si bien qu’ils passent très souvent trop près de nous. Quand deux voitures doivent se croiser à notre hauteur et qu’il n’y a pas suffisamment de place pour tout le monde, nous avons à chaque fois l’impression que celui qui s’arrête le fait avec une haine profonde et un agacement ultime. Et ce n’est pas qu’une impression en fait, vu les gestes auxquels nous avons droit parfois et aux arrêts de dernière seconde avec pneus qui crissent… Les piétons ne sont absolument pas une priorité pour les autorités dans ce pays et je trouve fou que les responsables de la Via Francigena envoient chaque jour des dizaines de pèlerins sur ces voies dangereuses sans rien faire pour sécuriser les tronçons !

Luni, ville antique

Vers 13 heures, nous avons atteint Luni et nous y sommes arrêtés pour pique-niquer. Cette ancienne ville romaine était l’une des plus grandes de la Rome antique et possédait un port très important. De ce glorieux passé ne demeurent que quelques murets, les ruines d’un amphithéâtre et des bouts de chapiteaux et de statues. Un musée d’archéologie relate les faits marquants de cette cité et expose sans doute quelques objets. Le billet d’entrée permet également de visiter les ruines et l’amphithéâtre. Nous avons dîné devant ce centre, sur un banc d’où nous pouvions voir une bonne partie des ruines. La petitesse du lieu est frappante ! Impossible d’imaginer là une ville prospère et splendide, des bonshommes en toges avec du laurier dans la crinière et qui s’empiffrent de raisin, des chars qui transportent du vin et des légumes… Un pré avec quelques cailloux, c’est tout. J’ai trouvé triste qu’une telle ville ait pu disparaître ainsi. Ce n’est pas que de nouvelles constructions ont petit à petit remplacé les anciennes, comme cela s’est fait partout. A Luni il n’y a rien d’autres que des champs et des prés, une maison çà ou là. Le site n’attire d’ailleurs visiblement pas beaucoup de visiteurs puisqu’en une heure nous n’avons vu que cinq personnes entrer dans le centre : un couple suffisamment âgé pour ne pas payer l’entrée ou bénéficier d’une réduction, une femme qui travaillait là et deux hommes qui travaillent sur un des bouts de mur. Pour un samedi après-midi, ce n’est pas très folichon !

Nous avons repris la route et avons contourné tout le site, nous retrouvant après un bon quart d’heure de marche à cent mètres de notre point de pique-nique, de l’autre côté du musée. Nous nous sommes dit que nous aurions pu payer l’entrée pour profiter de ce raccourci ! Après quelques centaines de mètres, nous sommes passés devant les restes de l’amphithéâtre. La base ovale de l’édifice est toujours en place mais n’est haute plus que de quelques mètres. J’ai essayé d’imaginer ce monument entier, splendide, puissant, mais ça ne collait pas non plus…

Avenza

Après une bonne heure de marche, nous sommes arrivés à Avenza, notre destination du jour. Le gîte paroissial est aménagé dans des caves voûtées assez charmantes mais très sombres. J’imagine aussi qu’il va faire froid cette nuit ! Ce n’est pas particulièrement propre mais ça reste un hébergement tout à fait correct. Après avoir posé nos affaires, nous avons pris un bus pour Marina di Carrara, deux petits kilomètres plus loin, pour voir la mer. Nous avons acheté un joghurt glacé et avons trouvé une belle plage de sable fin. La sensation du sable sous les pieds était délicieuse et délicate, puis l’eau est venue caresser nos petons. Quelques vaguelettes ont suffi à ce que nous réalisions que la température de l’eau était très agréable. Nous avions espéré nous baigner et avions enfilé nos maillots de bain, cependant l’air était frais et il y avait pas mal de vent. L’idée de ressortir de l’eau et de devoir nous sécher dans nos minuscules linges puis regagner Avenza dans des habits mouillés et froids nous a coupé l’envie de nager. Il a d’ailleurs commencé à pleuvoir quelques minutes après notre arrivée et nous avons fait demi-tour. C’était malgré tout émouvant d’avoir les pieds dans la mer et de penser que nous étions venus en marchant jusqu’ici depuis l’Allemagne. Je repensais au Danube puis au lac des Quatre Cantons, dans lesquels nous avions aussi trempé nos pieds en mangeant des glaces. J’ai l’impression que c’était il y a une éternité…

Nous sommes rentrés à pied sous une pluie battante, car cela nous embêtait de payer le bus et nous voulions parcourir le tronçon Avenza-mer. Nous avons fait quelques emplettes dans un magasin et avons rejoint notre petit gîte où nous nous sommes douchés. Un peu plus tard, nous sommes ressortis chercher un restaurant tandis qu’il pleuvait toujours. Nous sommes décidément toujours aussi nuls pour trouver les restaurants ! Nous avons bien marché quarante minutes sans tomber sur une seule trattoria. Il y avait une petite pizzeria juste devant le gîte mais nous ne voulions pas manger de pizza. Nous n’avons ensuite vu qu’un bar-restaurant mexicain à l’allure très douteuse et une autre pizzeria qui n’avait pas de tables et faisait tout à l’emporter. Nous sommes donc revenus à celle face au gîte mais elle était alors complète. J’ai demandé à la serveuse où nous pouvions souper et elle m’a indiqué une autre pizzeria cinquante mètres plus loin. Quand les gens fournissent des précisions de ce genre, il s’avère aisé de deviner s’ils se déplacent plus en voiture ou à pied. Après avoir marché pendant cinq minutes, nous savions que la serveuse n’a jamais vraiment dû parcourir cinquante mètres à pied… Nous avons tout de même trouvé l’établissement et y avons mangé une excellente pizza. Le local était plein à craquer et nous devions être les seuls étrangers. Autant dire que c’était très bruyant ! Nous avons alors pu attester que les Italiens parlent vraiment plus fort que nous, puisque nous étions au courant des commandes de chaque table, même les plus éloignées. Je ne comprends pas pourquoi ils ont besoin de brailler quand ils demandent au conjoint juste en-face : “JE VAIS PRENDRE UNE QUATRE SAISONS. TOOOIII ??”