C’est une nouvelle fois le brouillard qui nous a accueillis quand nous avons quitté le gîte. Nous avions regardé la météo lundi soir et les prévisions étaient excellentes sauf pour mardi. Il semble évident maintenant qu’elles étaient erronées… Le ciel est resté couvert toute la matinée et une pluie de ciboulette nous a accompagnés pendant plusieurs kilomètres, cette bruine qui ne mouille pas vraiment mais répand ses gouttelettes avec grand joie pour salir les lunettes, comme l’eau vaporisée sur les herbettes dans certains supermarchés. Pendant ce temps, nous suivions une route tranquille et sinueuse en forêt jusqu’à Formello. Comme la pluie est devenue plus intense alors que nous entrions dans le village, nous nous sommes réfugiés dans une église et y avons fait une pause. Lorsque nous sommes ressortis, le ciel s’éclaircissait et nous pouvions retirer nos K-ways.
Le chemin se divisait ensuite en deux options : le tracé officiel à gauche et une variante à droite. Dans le guide en anglais que nous possédons, l’auteure nous mettait en garde contre cette alternative soi-disant plus longue et fatigante dans des collines interminables. Un panneau à l’intersection indiquait qu’il y avait plusieurs sites archéologiques le long du parcours et que la variante était plus courte d’un kilomètre. Sans hésitation, nous avons bifurqué à droite. Et nous avons bien fait ! Le sentier commençait en forêt, puis longeait l’orée des bois, avec toujours des arbres d’un côté et des prés de l’autre. Il était délimité par des barrières en bois et était très bien entretenu et agréable sous la semelle, même usée. La rivière non loin chantait en contrebas et nous n’entendions ni voitures ni musique ni tronçonneuse ni aucun autre bruit laissant supposer une présence humaine. Les sites archéologiques mentionnés nous ont cependant un peu laissés sur notre faim. Notamment lorsque nous sommes arrivés devant un panneau expliquant qu’une immense nécropole de plus de 650 tombes avait été découverte là, avec beaucoup d’objets de valeur, et que face à nous se dressait une bête colline recouverte d’herbe. Pas la moindre aspérité qui aurait pu laisser penser qu’un caillou étrusque se trouvait là-dessous. Ils auraient en fait pu mettre le panneau n’importe où, ç’aurait été du même effet. Mais pour le coup, je dois avouer que les explications étaient très intéressantes et bien présentées, ce qui change de tous les panneaux incompréhensibles et lassants aperçus jusqu’à maintenant.
Nous avons décidé de manger un peu plus loin, assis sur nos sacs, afin de profiter du soleil que des nuages gris menaçaient sans cesse de masquer. Au final, nous sommes restés là plus d’une heure et avons pleinement profité de notre dernier pique-nique en plein air de ce voyage. Parce que oui, il s’agissait aujourd’hui de la dernière journée de marche “normale”. Demain, nous n’aurons que 17 kilomètres à parcourir et terminerons notre étape au Vatican en même temps que notre aventure. Aujourd’hui, c’est la dernière fois que nous étudions la liste des gîtes, que nous marchons pour nous y rendre, que nous sortons nos sacs à viande. Que nous allons nous coucher en sachant que demain nous repartons marcher. Quand nous irons au lit demain soir, nous nous trouverons dans un hôtel et le voyage sera déjà terminé. Ces pensées nous ont bien sûr accompagnés toute la journée. Même si je ne réalise pas que c’est presque fini, cela fait plusieurs jours que nous parlons du retour, de ce que nous ferons ensuite, que nous nous organisons pour aller chercher Logan et Farty McFadden (le chat). Aujourd’hui, ces conversations m’ont paru plus présentes encore et nous avons parlé aussi de l’ultime étape de demain. Tous deux, nous sommes heureux d’arriver. Cela fait trois mois que nous marchons vers Rome et atteindre notre but en pleine santé nous fait extrêmement plaisir. Nous regrettons un peu que Logan ne soit pas avec nous mais nous sommes soulagés de la savoir en forme en Suisse. Je ne crois pas qu’elle nous en voudra beaucoup de ne pas avoir vu les pigeons de la place Saint-Pierre… Mais bon, il reste encore une étape à parcourir avant de pouvoir crier victoire !
Une poignée de kilomètres nous séparaient encore de La Storta après cette longue pause très appréciée. Nous avons suivi encore ce sentier alternatif ravissant, avant de nous retrouver face à un troupeau de moutons que le berger déplaçait. Quand nous nous sommes approchés, quatre gros chiens ont accouru vers nous en aboyant. Nous nous sommes aussitôt arrêtés et avons attendu que le berger les rappelle. Il les a sifflés mais aucun des chiens ne faisait demi-tour. Le berger nous a alors crié de passer et nous avons fait un pas en avant, juste assez pour que les chiens bondissent vers nous en nous montrant les crocs. Le berger nous faisait des grands gestes et répétait que nous pouvions passer. Non merci l’ami, je n’ai pas envie de me faire bouffer un mollet ! Surtout que maintenant ils sont bien affûtés après tous ces kilomètres, ce n’est pas pour les donner en pâture à des chiens ! Nous avons préféré attendre patiemment que le troupeau avance et que les chiens nous oublient, puis nous avons avancé gentiment pour garder nos distances. Quand notre chemin partait dans une direction opposée au troupeau, nous avons pu accélérer sans crainte.
Nous avons traversé une cascade bien plus impressionnante que les chutelettes d’hier, mais plus moche car l’eau était encombrée de déchets. Des sacs poubelle, des vélos, des appareils électroménagers… Cela m’attriste de constater que cette région est devenue une décharge à ciel ouvert !
Peu après, nous avons rejoint la route et le tracé principal qui mènent à La Storta. Il s’agit d’une banlieue de Rome très laide, dont l’unique fonction semble d’être traversée. Par chance, un trottoir était présent la plupart du temps et nous avons pu avancer en sécurité parmis ces centaines de véhicules pressés. Nous avons rapidement trouvé le couvent où nous logeons et une soeur nous a accueillis. Mary était déjà arrivée et nous sommes ressortis tous les trois vers 17 heures pour aller retirer de l’argent, puis trouver un bar avec du Wi-Fi. J’ai posté quelques articles et photos sur le blog et Mary a lu les résumés de certains étapes. Elle éclatait de rire en lisant des souvenirs communs. Pascal a lui bouquiné et s’est renseigné sur les actualités de l’AS Roma, puisque nous allons voir leur match dimanche soir. Au moins savoir qui fait partie du contingent et où ils se situent au classement.
Nous sommes ensuite allés tous les trois souper dans une pizzeria un peu plus loin. Les pizzas n’étaient pas incroyables et la pâte avait un goût de vin, mais malgré tout nous avons passé une belle dernière soirée. Aucun de nous ne réalise vraiment que demain ce sera fini et en même temps nous avons beaucoup parlé d’après le voyage, de ce que nous ressentions, etc. Nous avons décidé de marcher ensemble demain. Cela rassure Mary de ne pas être seule pour les premiers kilomètres annoncés comme dangereux car le long d’une grosse route et je crois que ça lui fera plaisir de ne pas arriver toute seule à Saint-Pierre. Je ne sais pas encore si cela me conviendra. Marcher avec elle ne représente aucun problème, au contraire, mais je ne sais pas si je préférerai arriver juste avec Pascal au Vatican. Je verrai demain sur le moment mais j’imagine que ce sera tout aussi beau de finir les trois ensemble. Après cette belle soirée, Mary a insisté pour nous inviter et nous sommes retournés au gîte. J’ai appelé Giacomo pour prendre des nouvelles de Marco et lui et tout va bien de leur côté. Pourvu que cela continue ainsi et qu’ils arrivent sans encombre samedi !