Les crottes

A 7h40, nous avons repris le bus jusqu’à Le Teil. La conductrice a failli faire une syncope quand nous avons voulu payer avec un billet de 50 euros et m’a envoyée à la boulangerie voisine faire du change pendant qu’elle nous attendait. A la boulangerie, pourtant assez pleine et ouverte depuis un moment, le caissier a fait la moue et est parti dans la réserve chercher deux billets de 20, puisque lui non plus n’avait pas de pareilles sommes en caisse. Avec deux cookies et le change, nous avons enfin pu acheter nos billets et rejoindre Le Teil. 

Sur place, nous avons suivi les coquilles du chemin de Saint-Jacques plutôt que les balises du GR qui contournaient tout le village. Nous avons ainsi arpenté des ruelles tristes et grises, dont la majorité des commerces étaient à reprendre. A Mélas, nous avons retrouvé le GR face à une ravissante chapelle romane (fermée, bien sûr). Après avoir suivi une petite route qui traversait une jolie rivière, nous avons entamé une ascension dans la forêt jusqu’à un hameau pittoresque en pierres, sur un plateau isolé.

En route pour les Crottes !

La voie de Saint-Jacques empruntait alors un chemin bien plus direct à travers les bois, de 6 kilomètres plus court que le tracé du GR. Nous avons brièvement hésité, mais ce raccourci nous aurait fait éviter Les Crottes, et ça, ce n’était pas envisageable. Ah non ! Nous avons alors poursuivi sur un chemin en pierres qui montait doucement sur 2 kilomètres, avant de déboucher sur une clairière creusée par les bûcherons. Nous y avons fait une pause, assis sur un tronc d’arbre et bercés par le ronron des tronçonneuses. Le chemin continuait ensuite dans la forêt, avant de descendre sur Les Crottes.

Les Crottes, enfin !

Quelle grande émotion ! Nous avons fait une courte pause sur la majestueuse Place des Crottes, où trônent des toilettes publiques.

L’après Les Crottes (déjà, oui…)

Le village est surplombé par Saint-Thomé, un joli bourg médiéval perché sur une colline. Nous en avons fait le tour, suivant au hasard des petites ruelles sinueuses et nous arrêtant quelques instants sur un joli banc devant la vieille église (fermée). Ce village médiéval a connu le même sort que tous ceux des environs, mais il a depuis été complètement retapé et est aujourd’hui habité. Il était toutefois un peu mort, comme ses voisins, ce qui paraît dommage.

Des panneaux informatifs montraient les chemins de randonnée du coin et, en analysant la carte, nous avons réalisé que nous pouvions emprunter un joli raccourci de six ou sept kilomètres. Le chemin officiel fait un long détour pour rapprocher les promeneurs de Viviers, une petite ville qui peut alors être rejointe pour y dormir ou faire des achats. Comme nous n’avions pas prévu de nous y rendre, nous n’aurions traversé que des patelins insignifiants en suivant le tracé du GR. Nous avons donc préféré couper. Dans notre guide, le plan n’est pas assez précis et nous n’aurions pas osé tailler tout droit, de peur que ça nous mène dans un vallon parallèle ou un cul-de-sac. Mais là, les indications concordaient avec ce que nous avions supposé et nous avons mémorisé l’itinéraire.

Le chemin caillouteux nous a conduits jusqu’à des pylônes électriques sur les crêtes. Nous avons ensuite parcouru des petites routes avant de retrouver les balises rouges et blanches du GR, que nous avons délaissées aussitôt pour suivre les coquilles qui allaient directement à Saint-Montan sans faire de détour pour voir la célèbre grotte de l’ermite Montanus. Tant pis pour ce haut-lieu ! 

Saint-Montan

Nous avons atteint le village médiéval à 14h30. Notre gîte se situe à deux pas de la place centrale et nous y avons été accueillis chaleureusement. Normalement, ils n’acceptent pas les chiens, mais la propriétaire s’était montrée très courtoise et arrangeante au téléphone, et nous étions heureux d’avoir trouvé un hébergement si bien situé et aussi charmant. Il se trouve dans une ancienne bâtisse entièrement rénovée, mais qui garde tout son caractère avec ses grosses pierres, ses murs tordus et ses portes basses.

Nous avons demandé à notre hôte où nous pouvions aller souper et elle nous a conseillé un excellent restaurant dans le village voisin, à 3 ou 4 kilomètres. Certes, mais à pied c’est embêtant… Elle a alors dit qu’il y avait plusieurs établissements dans le village, ainsi qu’une crêperie, alors nous aurions le choix. Elle nous a laissé quelques biscottes ainsi que de quoi faire du thé et du café, puis elle est partie.

Alors que Pascal était sous la douche, nos chers amis Marcel et Marie-Jo ont téléphoné. Ils sont en vacances dans la région et je les avais informés de notre arrivée à Saint-Montan. Nous nous sommes retrouvés sur la place et avons visité ensemble le bourg médiéval. C’était amusant de les voir là et agréable de partager un moment ensemble, surtout que les interactions sont rares sur cet itinéraire déserté !

Le château était exceptionnellement ouvert, car un sympathique monsieur avait du temps libre cet après-midi et y travaille bénévolement. Il nous a expliqué que le village n’était plus qu’un tas de pierres jusqu’en 1968, quand des bénévoles ont décidé de le reconstruire. Depuis bientôt cinquante ans, des milliers de personnes ont contribué à sa réfection et une trentaine d’habitations sont désormais retapées. Une centaine de personnes vivent désormais là, dont une vingtaine d’enfants. Le château a également été rebâti et, même s’il n’est pas encore terminé, il a fière allure !

Vacances économiques contre notre gré

Après la visite, nous avons cherché un bistro pour boire un verre. Un des établissements avait un panneau où était écrit "Bar ouvert", mais c’était un leurre. Bredouilles, nous sommes allés au gîte où nous avons bu un thé et papoté joyeusement.

Plus tard, nous sommes ressortis dans le village en quête d’un restaurant. La crêperie semblait avoir fermé depuis des semaines, c’était le jour de fermeture hebdomadaire d’un autre restaurant et le troisième était également fermé. Le quatrième, là où nous avions essayé d’aller boire un verre plus tôt, était toutefois ouvert. Le patron nous a néanmoins dit qu’ils ne faisaient pas à manger, mais quand nous lui avons expliqué que nous étions à pied il nous a proposé du pain et de la charcuterie. Nous avons demandé s’il était possible de lui acheter une baguette uniquement car nous ne mangions pas de viande, et il a pesté contre les végétariens avant d’ajouter qu’il ne pouvait pas vendre seulement le pain, au cas où d’autres clients voudraient une planchette plus tard. Cela nous paraissait peu probable, mais nous n’avons pas insisté et sommes partis. Nous savions que nous avions encore un peu de nourriture, sinon nous aurions accepté la charcuterie, mais à nouveau nous sommes surpris de l’absence d’esprit commerçant de certains. Nous aurions volontiers consommé cet après-midi et soupé ce soir, et même acheté un bout de pain à un prix exorbitant, mais non, impossible de dépenser de l’argent par ici !

Nous sommes donc au gîte, à improviser un repas avec nos ultimes provisions. Notre inventaire est bien maigre : deux poivrons, une boîte de thon, deux Vache-qui-rit et deux petits Tartares ainsi que les biscottes à disposition au gîte. Nous pensions faire un poivrthon, mais comme il y a de quoi cuisiner nous avons concocté un repas de maître. Enfin, peut-être est-ce un peu exagéré, mais je ne pense pas qu’il soit possible de préparer quelque chose de bien meilleur avec les moyens et les ingrédients à disposition ! Nous avons préféré garder quelques biscottes en réserve, car nous avons des doutes quant à la boulangerie demain matin et il y a plusieurs kilomètres avant la prochaine ville.

Pascal s’est rendu compte qu’il a dû oublier son natel à l’hôtel ce matin. Nous les avons contactés mais avons peu d’espoir qu’ils l’aient retrouvé…