Nous avons mangé les dernières biscottes ce matin et avons quitté le gîte vers 8h30. La boulangerie était effectivement fermée, ce qui ne nous a guère surpris.
Il pleuvinait, mais pas assez pour que nous gardions longtemps les K-way. En les portant, il fait tout de suite plus chaud et nous transpirons, alors nous avons estimé que nous serions moins mouillés avec la fine pluie. Nous avons marché quelques kilomètres sur des petites routes avant de rejoindre un sentier en forêt. Un panneau signalait qu’une battue était en cours, et nous trouvions que c’était à la fois inquiétant et rassurant. Inquiétant parce que nous ressemblons peut-être à des lièvres suivant l’angle de vue, mais rassurant car le message était jovial et laissait supposer que ces chasseurs souhaitaient cohabiter paisiblement avec les promeneurs et les cueilleurs de champignons. Dans tous les cas, nous avons gardé Logan en laisse et nous nous attendions à recevoir une balle dans la fesse, mais comme nous n’entendions pas de coups de feu, nous n’avons pas vraiment stressé.
L’ascension était assez longue mais moins raide que les derniers jours. Malgré les nombreux cailloux, la pluie n’avait pas rendu le chemin trop glissant et nous pouvions progresser rapidement. Une fois sur les crêtes, la route était large et dégagée, mais toujours en petits cailloux blancs. Nous avons alors aperçu les chasseurs et leurs chiens, postés à intervalles réguliers tout au long de la route. Même si nous pensons avoir interrompu leur partie de chasse, puisqu’il nous a fallu de longues minutes pour sortir de leur zone et qu’ils communiquaient entre eux avec leur talkie-walkie dès que nous les croisions, ils nous ont tous salués cordialement et nous avons réellement eu l’impression qu’ils souhaitaient cohabiter paisiblement et en harmonie avec nous autres promeneurs. Nous avons tâché de ne pas les importuner trop longtemps, pressant le pas et quittant leur terrain sans tarder.
La route de cailloux blanc descendait ensuite sur quelques kilomètres, toujours à découvert entre les arbres de la forêt. Le sol irrégulier et les pierres qui roulaient rendaient notre progression laborieuse. Sans doute s’agissait-il d’un excellent travail de proprioception pour les chevilles et les genoux qui aurait enchanté plus d’un physio, mais pour notre part nous commencions à trouver cela usant. Il pleuvait toujours un peu et les paysages étaient monotones, alors nous avons fait des jeux de devinettes jusqu’à Bourg-Saint-Andéol.
Nous avons atteint la petite ville vers 11h30 et avons quitté le GR pour chercher des commerces au centre. Rapidement, nous avons trouvé deux petits magasins incroyables qui vendaient des produits locaux et étaient tenus par des vendeurs fort aimables et joviaux. Tandis que je dévalisais leurs rayons en papotant joyeusement, Pascal attendait dehors avec Logan, sous la pluie. Nous avons acheté suffisamment à manger, car nous ignorons si nous trouverons d’autres points de ravitaillement et comme demain c’est la Toussaint tout sera peut-être fermé.
Les commerçants nous ont conseillé un restaurant sur la place centrale et nous nous y sommes rendus immédiatement, car nous avions vraiment très faim. La carte nous a mis l’eau à la bouche, mais une serveuse nous a dit qu’il y avait déjà deux chiens dans la salle et qu’elle n’en autoriserait pas un troisième. Nous avons alors erré dans les rues, passant devant des restaurants qui semblaient tous fermés. J’ai acheté des pâtisseries appétissantes dans une boulangerie et la vendeuse m’a indiqué une crêperie non loin. Elle ne payait pas de mine, mais nous avions vraiment envie de nous asseoir au chaud, de sécher et de manger, alors ça ferait l’affaire. Quand nous sommes entrés, nous étions les seuls clients et la crêpière était absorbée par un épisode de "La petite maison dans la prairie". Le volume de sa télé étant très fort, nous pouvions suivre les déboires de la pauvre Laura, bien trop jeune pour se marier, tandis que la tenancière préparait nos crêpes. Elle nous les a amenées pendant une pub, et nous avons pu les déguster en découvrant les remèdes contre la sécheresse vaginale. Des clients réguliers sont ensuite entrés, alors la patronne a baissé le volume de sa télé pour leur parler et nous ne saurons jamais si Laura s’est finalement mariée.
Nous avons eu l’impression de manger dans un salon de coiffure, mais c’était très amusant et les crêpes étaient bonnes, alors c’était parfait. Une fois rassasiés, reposés et secs, nous avons repris la route.
Nous avons marché dans un paysage vallonné, alternant entre sentiers et petites routes au trafic très limité. Cette région est bien différente de celles que nous avons traversées ces derniers jours : c’est plus plat et les forêts sont éparses, remplacées par des vignes aux magnifiques teintes orangées, des vergers d’oliviers ou d’abricotiers, et des champs de lavande. Nous en avons terminé des grands dénivelés et avons rejoint le Sud.
Une très jolie chapelle trônait au milieu des vignes. Elle était bien sûr fermée, mais ce décor de carte postale nous donnait envie de nous installer là pour y couler nos vieux jours. Nous avons voulu faire une pause sur le banc placé contre la paroi, mais un papier précisait que la peinture était fraîche alors nous avons poursuivi notre chemin.
Nous avons finalement fait une brève escale sous les escaliers d’une maison un peu plus loin, afin de nous abriter de la bruine. Peu après, nous avons traversé un hameau et avons poursuivi dans un champ. Après quelques centaines de mètres, nous avions des doutes sur l’itinéraire et la pluie a commencé à tomber très fortement, nous trempant immédiatement jusqu’aux os. Nous avons quitté le champ pour rejoindre une route et nous nous sommes placés sous un arbre pour essayer de déchiffrer la carte. Nous n’étions pas très sûrs d’où nous nous trouvions, alors nous avons arrêté une voiture pour demander des précisions. Nous étions effectivement sur la mauvaise voie, alors nous sommes remontés jusqu’au hameau. Après la dernière maison, nous avions repéré une balise mais nous étions passés à sa gauche alors qu’un chemin très peu marqué partait à droite. Nous l’avons cette fois emprunté et peu après nous avons vu d’autres marques rouges et blanches.
Ce chemin n’en était pas vraiment un et nous avons ainsi progressé dans des hautes herbes, terminant de mouiller nos chaussures et pantalons. Il nous a ensuite menés dans une sorte de canyon formé par une grande roche, comme un long toboggan d’un seul bloc, rendu très glissant par la pluie et la mousse qui s’y accrochait par endroits. Pour ne rien arranger, c’était très pentu. Après quelques mètres dans ce passage scabreux, nous devions grimper sur l’autre versant avant de redescendre au centre du toboggan. Nous trouvions cela vraiment étrange et plutôt dangereux : pourquoi monter pour redescendre aussitôt, alors que nous aurions pu rester en bas ? Nous sommes donc revenus sur nos pas et une fois en haut, nous avons scruté chaque pierre pour finalement repérer une coquille qui indiquait une piste bien camouflée entre les arbres. Quelques mètres plus loin, nous avons retrouvé les balises du GR. Ce n’était vraiment pas bien signalé et ce tronçon ne doit pas être très emprunté, alors le chemin n’est pas marqué et la végétation recouvre sans doute les quelques balises.
Malgré tout, nous avons réussi à sortir de ce bois et avons atteint Saint-Martin-d’Ardèche bien plus tard que prévu. Ce village se situe au bord de l’Ardèche et, de l’autre côté de la rivière, une falaise vertigineuse se dresse, dominée par le splendide village d’Aiguèze qui se découpait en ombres chinoises avec le soleil couchant. La vue était superbe, mais nous n’étions pas encore au bout de nos peines.
Nous n’avions pas trouvé le moindre hébergement acceptant les chiens au centre du village, alors nous devions parcourir encore un bon kilomètre en remontant l’Ardèche pour trouver notre gîte. Comme il se situait en dehors du GR, il ne figurait pas sur notre carte. Nous avions enregistré l’itinéraire sur la tablette, mais il n’était pas précis et nous étions perdus. Alors que j’allais téléphoner à notre hôte, celle-ci nous a appelés car elle commençait à s’inquiéter. Nous ne trouvions qu’à 50 mètres de notre destination, que nous avons atteinte avec soulagement alors que la nuit tombait. Nous étions détrempés et fatigués, mais de bonne humeur malgré tout.
Le gîte était au-delà de nos espérances, très joliment aménagé, spacieux et bien équipé. Notre hôte s’est révélée attachante et très disponible. Elle nous a volontiers amené du lait, puisque je rêvais d’un bon thé chaud, ainsi que des confitures maison pour le déjeuner. Nous n’avons pas attendu le déjeuner pour les déguster, trouvant que la confiture de figue se marierait parfaitement avec du pain grillé à l’huile d’olive et du picodon frais. Un régal, suivi des succulentes pâtisseries qui avaient étonnamment bien supporté le voyage et même le toboggan.