Nous ne sommes pas des aventuriers

N’est pas Mike Horn qui veut ! Si l’idée de jouer les aventuriers nous avait semblé amusante, cela n’est plus le cas. Mes premiers mots au réveil ont été : “Je déteste le camping !” Ceux qui nous connaissent savent que nous sommes les plus mauvais campeurs de l’histoire. Heureusement, nous nous sommes bien améliorés et nous savons maintenant qu’il est préférable de ne pas planter la tente dans une cuvette les nuits pluvieuses, ni sous un lampadaire, ni aux abords d’un ruisseau à moins d’aimer les moustiques (nous avons déjà fait tout cela en une seule nuit !). L’emplacement que nous avions déniché s’est donc révélé très bien, plutôt plat, très calme, bien isolé.

Le problème, c’est moi. Il m’a fallu plus de deux heures pour trouver enfin le sommeil. Au début, mon matelas était sur une petite bosse. Dès que je me couchais sur le côté, je devais lutter pour ne pas basculer et il m’était impossible de relâcher les muscles. Sur le dos, j’avais l’impression que ma jambe droite était beaucoup plus basse que la gauche. D’ailleurs, ce n’était pas une simple impression. En plus mes jambes étaient collantes et je puais la crème solaire. Je déteste la crème solaire. Sur le ventre, je n’avais pas de place pour mes pieds avec le sac au fond de la tente (hors de question de les laisser dehors et de les voir remplis d’insectes ou pis, de limaces !). A chaque fois que je me tournais, je m’emmêlais les pieds dans le sac en soie, je perdais le sac de couchage, je me retrouvais avec plus rien et la peau en contact avec le plastique du matelas qui collait (et moi aussi). Et Pascal à côté semblait dormir paisiblement. Je n’osais donc pas trop bouger car ça faisait beaucoup de bruit, et à chaque fois qu’il remuait j’en profitais pour essayer de trouver LA position idéale. Chaque quinze minutes, les cloches de l’église me rappelaient que je ne dormais toujours pas et que le temps s’écoulait. Logan était quant à elle plus heureuse que jamais, couchée entre nous deux, et donnait l’impression que c’était la plus belle nuit de sa vie. Et moi je commençais à enrager. A un moment donné, j’ai déplacé mon matelas au centre de la tente, demandant à Logan de venir contre la porte. Elle était très contente que je lui parle alors elle remuait sa queue contre la tente, ce qui faisait beaucoup de bruit et empêchait Pascal de dormir. Une fois au centre, j’ai déplacé mon sac-à-dos pour avoir de la place pour mes longs pieds délicats et j’ai enfin apprécié le sol plus ou moins plat. Mais bon, ça ne fait pas tout ! Mes jambes étaient toujours collantes, j’avais toujours des plis partout sous moi et je n’étais pas assez zen pour voir le côté positif de cette expérience épouvantable. Au bout d’un moment, je me suis assise sur mon matelas et j’ai hésité entre pleurer et tout envoyer balader. Un éclair de lucidité m’a fait alors réaliser que si je pleurais, ça ne changerait pas grand chose au fait que je ne dormais pas et servirait juste à réveiller Pascal, et que partir n’était pas une très bonne option, puisque nous en étions là car nous n’avions pas d’autres options. Alors je me suis rallongée avec un air renfrogné, c’était le minimum, et j’ai pesté contre Pascal parce que s’il ne s’était pas aussi bien acclimaté nous pourrions au moins discuter. J’ai alors essayé de me concentrer sur les bruits de la forêt et j’ai trouvé presque mignon d’entendre une chouette hululer. Je crois que je me suis endormie peu après, pour des raisons qui restent mystérieuses. 

Au final, je ne me suis réveillée qu’une ou deux fois dans la nuit, juste assez longtemps pour constater qu’il faisait vraiment très sombre et qu’il n’y avait presque pas un bruit. C’est Logan qui nous a réveillés à 5h43 en remuant de joie sa queue face à nuit si parfaite. Je l’ai repoussée en grognant et j’ai réussi à somnoler encore quelques heures. J’ai quand même dormi suffisamment pour ne pas être fatiguée au réveil, mais c’était horrible. Pascal avait été pour sa part moins importuné par notre état de propreté que par la qualité du matelas, et tous deux nous sommes arrivés à la conclusion que les hôtels c’est quand même vraiment mieux. Tant pis si c’est un peu moins l’aventure…

En haut, en bas, la suite

Après un déjeuner rapide, nous avons attaqué par une belle ascension dans de la caillasse, puis une descente plus douce sur le village de Vocance. Selon les conseils de M. Aller-retour hier, nous avons coupé à un endroit par un chemin régional, évitant une boucle de plus de 2 kilomètres sur un sentier botanique. Peu importe si nous ne sommes pas capables de reconnaître un hêtre…

A Vocance, Pascal est parti en quête d’eau et d’une boulangerie. Un couple de promeneurs âgés est passé alors que je l’attendais. Nous les avons rattrapés au bout de quelques kilomètres de montée, pour une fois sur un chemin agréable et pas trop pentu. Ils semblaient paumés devant les panneaux des chemins de randos, la carte à la main. Je leur ai demandé s’ils avaient besoin d’aide et ils ont répondu qu’ils croyaient avoir parcouru le GR 42. “C’est bien juste, puisque nous le suivons aussi”, ai-je répondu avec amabilité. Le monsieur a alors dit qu’il ne comprenait pas, car selon le plan qu’il avait il lui semblait que c’était à la fin de leur boucle qu’ils auraient dû passer par ce hameau, et qu’au début ils auraient d’abord dû traverser deux autres villages, mais que le descriptif indiquait bien qu’il fallait suivre le GR 42. J’ai regardé son plan, mais aucun nom ne figurant sur notre itinéraire, je n’ai pas pu les aider. Mais bon, peu importe, ils n’avaient qu’à continuer et tant pis s’ils faisaient la boucle dans l’autre sens, puisque justement c’est une boucle. Ils sont encore restés là quelques minutes à étudier leur plan tandis que nous poursuivions notre route, puis nous les avons vus rebrousser chemin…

Nous avons continué à monter pendant plusieurs kilomètres, toujours sur des chemins visiblement épargnés par les motards. Une fois au sommet, nous avons fait une pause sous ...la croix. Il faisait très chaud, mais nous avions néanmoins moins transpiré que la veille grâce à la pente plus douce et régulière. Nous rêvions malgré tout toujours d’une douche et d’une fontaine d’eau gazeuse glacée, d’un distributeur de lait frais et de pastèque… Rien de tout cela malheureusement au col, alors nous avons entamé la descente vers Satillieu.

Canicule canine

Il nous restait environ dix kilomètres à parcourir, et tout cela nous semblait très abordable. Nous n’avions pas anticipé cependant qu’il s’agirait presque exclusivement de goudron et que les arbres se feraient rares. Pour Pascal et moi, c’était bon, car même si le sol rigide fatiguait nos plantes de pieds, la chaleur était supportable à cause d’une brise légère constante. Pour Logan en revanche, ça a été très compliqué. Si jusqu’à là elle avait gambadé gaiement devant nous, elle traînait cette fois une dizaine de mètres en retrait, la langue pendant jusqu’au sol. Nous avons marché un bon moment en espérant trouver un banc ou un coin un brin pittoresque, mais voyant que ça n’arrivait jamais, nous nous sommes arrêtés au bord de la route pour dîner. Nous avons repris la marche ensuite, nous arrêtant fréquemment pour donner le peu d’eau qu’il nous restait à Logan. A un kilomètre de l’arrivée environ, elle nous a regardés et s’est couchée dans l’herbe au bord du chemin. Le message était suffisamment clair pour que nous fassions une pause avec elle. Elle nous faisait vraiment de la peine, à souffrir autant de la chaleur, mais il n’y avait absolument rien sur la route pour que nous puissions raccourcir notre étape : pas un village, pas un commerce, pas un gîte, pas une fontaine, pas un banc, rien !

Hôtels accueillants et chaleureux

Arrivés à Satillieu, nous nous sommes rendus dans le premier hôtel en vue. A la base, nous avions prévu de dormir au camping du village, mais la dernière nuit nous a fait changer d’avis ! Le monsieur de ce premier hôtel nous a indiqué ne pas avoir pu préparer les chambres car ils avaient eu mariage toute la journée. Il nous a par contre indiqué l’emplacement d’un hôtel Best Western un kilomètre plus loin, qui acceptait les animaux et aurait sans doute de la place. Nous avons traversé tout le village et avons trouvé ledit hôtel à l’endroit indiqué. Soulagement : le parking était quasiment désert ! Une fois à la réception, nous avons vu une feuille sur le comptoir qui disait "Je reviens à 16h 16h30… En cas d’urgence, appelez le [numéro]" Il était 15h30. Nous ne savions pas si les deux horaires constituaient une plage ou si nous devions prendre en compte uniquement le deuxième, mais dans tous les cas nous avons décidé d’attendre là une heure. Nous n’avions décidément pas le courage de chercher un autre hébergement, surtout que Logan s’était endormie à peine après s’être couchée dans le lobby. Nous nous sentions tellement sales que nous ne voulions pas changer d’habits et en enfiler des propres car ils auraient aussitôt été sales aussi. Nous sommes donc restés là une heure dans nos habits collants, avec nos chaussures de marche. Nous en avons profité pour regarder la finale de Champions League qui a eu lieu hier et dont nous ignorions le résultat. A 16h30, comme personne ne semblait arriver, j’ai composé le numéro d’urgence. Le téléphone s’est mis à sonner à la réception… Nous nous sommes dit que ce serait encore plus bête de partir maintenant alors que nous avions attendu une heure, alors nous sommes restés encore. Après quinze minutes, une femme est entrée. Elle a dit bonjour et s’est arrêtée face à moi, au milieu du lobby. Elle me regardait avec un air interrogateur, alors je lui ai demandé si elle travaillait là. 

- "Ben oui.
- Ah bien, on se demandait si quelqu’un allait venir.
- J’ai mis un mot qui disait que j’étais absente.
- Oui mais c’était écrit 16h-16h30, donc on se demandait pourquoi il n’y avait toujours personne.
- J’ai dit que je revenais à 16h30 (air à la fois exaspéré et suffisant).
- Ouais mais c’est moins quart là, pas et demi…
- (Fait semblant de ne pas avoir entendu)
- Ça fait quand même plus d’une heure qu’on attend là, donc ça commençait à nous paraître long…
- Et qu’est-ce que j’y peux moi, si vous avez attendu une heure ?"

J’ai arrêté de répondre car elle avait l’air suffisamment conne pour nous dire d’aller voir ailleurs, et franchement nous ne voulions pas bouger. Juste une douche, pitié.

- "Vous avez une chambre pour deux ?
- Oui, à 89 euros.
- Blablablablabla on réserve la chambre.
- Vous prendrez le petit-déjeuner ?
- Oui.
- Et le dîner ? C’est menu unique : ravioles et poulet.
- C’est possible de n’avoir que les ravioles ?
- Je ne vais pas commencer à faire des menus à la carte !
- Ouais mais on est végétariens, alors le poulet c’est moyen. Les ravioles…
- Ben c’est des petits raviolis.
- ...elles sont au fromage ?
- Ben oui.
- C’est pas possible de faire une grande portion de ravioles ?
- Non mais alors, après je dois tout adapter pour tout le monde ! Je pourrais vous faire que des légumes (suite pas dite mais tellement sous-entendue : "mais qu’est-ce que ça me fait chier !")
- Laissez tomber en fait, on va manger ailleurs.
- D’accord."

Et c’est ainsi que nous avons décidé d’aller manger au camping juste à côté, dans le petit snack-bar que nous nous étions jurés d’éviter en regardant les photos du camping sur Internet quelques jours auparavant… Franchement, nous avons regretté de ne pas être en voiture, car nous serions partis moins d’une minute après avoir rencontré cette tocasse !