Il a plu cette nuit et les températures au réveil étaient à nouveau plus basses, ce qui était une bonne nouvelle comme nous repartions sur les crêtes ensoleillées. Après le déjeuner en compagnie de Maria, nous avons rejoint le village par la même longue route empruntée hier. Nous avons acheté des sandwiches et des biscuits à la boulangerie, espérant qu’ils soient meilleurs que leurs pâtisseries, et avons croisé un groupe de cyclistes québécois que nous avions déjà vus à Tournon-sur-Rhône. Nous avons échangé quelques paroles, faisant mine de connaître les lieux où ils se rendaient par des “Ah oui, super”, puis nous avons réellement entamé notre étape. En traversant le pont sur l’Eyrieux, nous avons aperçu sur notre droite les ruines d’une tour et un petit village en pierres accroché à flanc de colline. Nous avons réalisé alors qu’il s’agissait là du vieux village de Beauchastel, celui qui doit être charmant et classé et que nous avons complètement manqué hier. On ne le voit en fait pas depuis la partie plus récente du village et les indications n’étaient sans doute pas suffisamment évidentes pour que nous nous doutions de l’existence du village historique. Ou alors nous sommes juste sots…
Le chemin était ensuite commun à la Via Rhona, une longue voie verte pour les vélos qui longe le Rhône de sa source à la Mer Méditerranée. Nous marchions sur une petite route bordée d’arbres, le long du Rhône, et nous avons choisi de poursuivre cette voie jusqu’à La Voulte-sur-Rhône plutôt que suivre le GR 42 qui bifurquait à un moment à droite pour passer devant la station d’épuration. Une fois à la Voulte, nous avons hésité entre continuer sur la Via Rhona à plat pendant 6 kilomètres ou reprendre l’itinéraire du GR pour atteindre le même point après 15 kilomètres de montées et descentes. La Via Rhona était tentante, mais d’après ce que nous avions comme informations certains passages étaient sur des routes empruntées par les voitures et nous craignions que le tronçon ne soit trop ensoleillé. L’étape du GR ne semblait pas facile mais promettait de beaux points de vue, aussi avons-nous opté pour cette option.
A la Voulte-sur-Rhône, une compétition de karting occupait toute la place centrale et nous avons choisi de ne pas nous y arrêter longtemps. Nous sommes montés jusqu’à l’imposant château qui surplombe la ville, malheureusement en ruines depuis que les Allemands l’ont incendié en 1944. Le chemin s’éloignait ensuite des maisons et gagnait de la hauteur, nous menant à un hameau quelque 400m plus haut. Sur cette montée en plein soleil, quelques cerisiers me tendaient les bras. Leurs branches étaient couvertes de fruits mûrs à souhait et je n’ai pas pu m’empêcher d’en ramasser des poignées. Il y avait plusieurs variétés différentes : des rouges à chair blanche très juteuses, des toutes petites plus acides que j’ai laissées sur place et des grandes presque noires particulièrement sucrées. J’en ai rempli une petite poche sur la ceinture de mon sac-à-dos et j’ai repris la route, enchantée.
Une fois sur les sommets, nous avons parcouru environ 5 kilomètres en plein soleil sur une petite route où passaient régulièrement des voitures, ce qui nous empêchait de lâcher Logan. La vue était belle et les paysages étaient différents de ceux des autres jours, plus arides avec une végétation très sèche malgré la pluie de la nuit. Logan n’appréciait pas du tout cet itinéraire et s’arrêtait aussitôt qu’elle trouvait un coin d’ombre. Il n’y avait cependant pas d’alternatives, alors nous avons continué malgré tout, faisant plusieurs petites pauses pour lui donner à boire. Après avoir traversé une ferme, le chemin pénétrait dans une pinède et descendait jusqu’à un petit village. Il y avait là des dizaines de fraises des bois et nous nous sommes réjouis de la faible fréquentation du GR : elles étaient toutes pour nous !
Nous avons pique-niqué peu avant le village, nous arrêtant moins longtemps qu’à l’accoutumée dans l’espoir de prendre le bus de 15h16 à Le Pouzin. Une fois repartis, nous avons traversé le village, passant devant une grande église qui accueillait à l’époque les populations de tous les hameaux alentours, avant de remonter par une piste raide et caillouteuse de l’autre côté de la vallée. La montée m’a fait regretter quelque peu d’avoir mangé autant de cerises et de fraises, mais une fois au sommet la vue était superbe et j’ai vite oublié la difficulté. Nous nous trouvions face à une ravissante petite chapelle en pierres, sise à côté d’un lotissement malheureusement à moitié à l’abandon, dominant la vallée verdoyante de l’Ouvèze. Le chemin continuait alors à plat. A notre droite se trouvait une vaste étendue plate avec des plantations devant un mont pelé dont la seule vue donnait soif. Le changement de végétation et de climat est tangible depuis que nous avons traversé l’Eyrieux et rappelle la Provence.
Après un virage sur la droite, nous nous sommes retrouvés face à une vue à la fois inattendue et impressionnante : la vallée du Rhône s’étalait devant nous et une immense carrière se trouvait juste sur notre gauche. On aurait dit une imposante pyramide à degrés égyptienne, taillée régulièrement en de grands étages de pierres. A gauche, le Rhône présentait des nuances de bleus variées là où la Drôme s’y jette ; à droite il serpentait paisiblement alors que de grandes roches blanches découpaient le paysage, parsemées de buissons de thym. Nous sommes redescendus au milieu de ces roches, dans un décor de films et sous une chaleur de plomb. Nous ne nous attendions pas du tout à un changement si radical et nous étions tous deux ébahis et subjugués. A ce moment-là, nous ne regrettions nullement notre choix d’avoir suivi le GR !
A Le Pouzin, nous avons très rapidement trouvé l’arrêt de bus et avons pu rejoindre Valence. Nous n’avions pas trouvé d’hébergement pour la nuit dans ce village et les prévisions météo pessimistes ne nous motivaient pas à camper. Nous avons donc préféré nous rendre à Valence et y passer une journée en attendant de voir l’évolution du temps. C’est une ville vraiment belle, avec un très grand centre piéton et de nombreuses boutiques. Elle nous a laissé une bien meilleure impression que Saint-Etienne, plus propre et soignée sans doute, et nous sommes contents de pouvoir la découvrir.
Les prévisions météos ne s’étant nullement améliorées le lendemain, nous avons décidé d’arrêter notre voyage. Nous n’avions en effet pas envie de parcourir les crêtes sur des sentiers de terre avec l’orage et la pluie. De plus, l’absence d’hébergements lors des étapes suivantes nous aurait contraints à camper, ce qui n’est ni sûr ni réjouissant en cas d’orage. Nous avons donc pris le train et sommes rentrés en Suisse quelques jours plus tôt que prévu, avec la volonté de poursuivre ce voyage plus tard. Hors de question de s’arrêter avant d’avoir traversé "Les Crottes" et alors que les paysages étaient si beaux !