Deuxième partie, départ !

Après plus de quatre mois, nous avons décidé de reprendre notre aventure sur le GR 42 là où nous l’avions laissée. Nous avons hésité à sauter quelques étapes, puisque nous savions que les hébergements étaient difficiles à trouver dans la région, mais finalement notre entêtement a eu raison de notre bon sens. Deux éléments ont également fait pencher la balance, outre le fait que nous n’aimons pas rater des tronçons : les paysages avaient commencé à changer et étaient magnifiques peu avant Le Pouzin et, surtout, il n’était pas question que nous n’allions pas à Les Crottes ! Je pense que visiter ce haut-lieu devrait figurer sur la bucket list de toute personne sensée.

Afin de ne pas avoir à galérer pendant ces quelques jours de marche, nous avons décidé de planifier nos étapes et réserver les hébergements à l’avance. Puisqu’il n’y a quasiment rien de disponible sur le chemin, nous ferons parfois des allers-retours en bus entre les étapes du GR et les hôtels en Drôme voisine, mieux équipée. Ainsi, nous n’avons pas eu besoin d’emporter notre tente ni même nos sacs de couchage, et nos sacs sont très légers pour ces quelques jours de marche. Nous avons également pu prévoir de terminer ce tronçon là où nous avions un moyen de transport pour rejoindre Avignon, puis la Suisse, ce qui semble autant compliqué que trouver où loger.

Retour à Le Pouzin

Nous avons donc voyagé hier en train jusqu’à Valence, avant de prendre un bus pendant une quarantaine de minutes qui nous a laissés à l’arrêt que nous connaissions de Le Pouzin. Depuis là, nous avons traversé le Rhône sur un immense pont qui a terrifié Logan (j’ai dû la porter sur la fin car elle était plaquée au sol, tétanisée et les pupilles dilatées) et avons pris notre chambre au charme douteux dans un hôtel en bord de route. Nous avons fait plus tard un tour dans le village au charme tout aussi douteux. Un panneau nous a appris qu’il avait été presque entièrement rasé par des bombardements alliés à la fin de la 2e guerre mondiale, quand les Américains pilonnaient les points stratégiques (ponts, ports…). Une quarantaine d’habitants ont été tués durant ces raids et le panneau-mémorial leur était dédié. Globalement, le village n’est pas glauque ou abandonné, mais je le trouve cependant plutôt laid. On voit en revanche que les autorités en place œuvrent à son aménagement et à son entretien. Au final, c’est donc moche mais sympathique. J’imagine que les habitants de Le Pouzin doivent apprécier mon ressenti et ma description de leur village, mais il est fort peu probable qu’ils lisent cet article…

Retour sur les crêtes

Après une bonne nuit de sommeil, nous avons quitté l’hôtel à une heure historique : 7h20 ! Le changement d’horaire a sans doute contribué à cette matinalité, mais cela n’enlève rien à notre mérite. Nous avions surtout choisi de partir tôt dans l’espoir de gagner Cruas avant 14h, car les bus ne sont pas légion et nous aurions dû attendre 17h42 si nous rations celui de 14h07. Nous avons traversé le grand pont (moins effrayant ce matin, sans doute parce que nous n’avons pas laissé Logan regarder en bas), une partie du village et enfin une passerelle sur l’Ouvèze, avant d’emprunter un petit chemin caillouteux qui montait de façon abrupte. Après 20 minutes environ, nous avons atteint un sentier plus large et régulier, tout à fait pittoresque, qui longeait les crêtes. Le ciel était couvert mais pas menaçant et les températures étaient idéales pour marcher. Puisque nos sacs sont de plus légers, nous avancions d’un bon pas et appréciions la nature environnante. Les plantes sont similaires à ce qu’on peut trouver en Provence : des buissons secs et épineux, du thym et du romarin, des chênes par milliers. De temps à autre, de belles maisons en pierres claires bordaient la piste.

Après deux heures de marche, nous avons trouvé un banc face à une ravissante chapelle en pierres. Nous y avons fait une petite pause. Malheureusement, l’église menace de s’écrouler et des barrières interdisent de s’en approcher. J’espère qu’ils pourront la sécuriser et la préserver. Nous avons rapidement repris la route car il faisait un peu frais avec nos t-shirts mouillés. Après le village de Brune, nous avons dû rater une balise. Nous sommes arrivés à une intersection avec une route départementale alors que nous avions lu dans le guide qu’il devrait y avoir un passage sous la route. Nous savions que nous nous étions trompés car il n’y avait plus aucune balise du GR, mais il y avait cependant les coquilles d’une voie de Saint-Jacques qui chevauchait notre itinéraire depuis un moment. Nous n’aurions pas suivi aveuglément les coquilles en n’ayant aucune idée de leur destination, mais un panneau de l’autre côté de la départementale indiquait la "Voie douce de la Payre", voie que notre guide disait de parcourir sur 1,6 kilomètre. Nous avons donc traversé la route avec prudence et avons rejoint ladite voie douce, suivant toujours les coquilles. Après quelques centaines de mètres, nous avons retrouvé les balises rouges et blanches qui venaient de la gauche et ...quittaient la voie douce. Nous avons alors compris que nous avions emprunté un raccourci très avantageux, puisque le GR faisait en réalité un détour de plus de 2 kilomètres pour éviter de traverser la route départementale. Puisque la visibilité était très bonne et qu’il n’y avait que peu de trafic, nous n’avions pris aucun risque en la traversant et nous étions ravis de notre erreur.

Dans les bois

Une petite route nous a conduits jusqu’à une forêt domaniale (je ne sais pas précisément ce que c’est, mais ça fait plus sérieux que de dire “un bosquet” ou “plein d’arbres”). Nous avons marché dans ces bois domaniaux pendant plusieurs kilomètres, prenant petit à petit de la hauteur alors que quelques gouttes venaient accompagner notre progression. A la vue d’une sorte de cabane en tôle verte, nous avons choisi de nous arrêter pour manger. Un avant-toit nous abritait et une marche devant l’entrée faisait office de banc. A peine avons-nous retiré nos sacs que la pluie s’est mise à tomber.

Nous avons mangé avec plaisir et nostalgie des hot-thons, notre plat signature durant les périples à pied. Pour apporter une touche authentique à ce plat, nous avons frotté le pain avec un brin de romarin ramassé en route. C’était évidemment délicieux !

Vers midi et demi, la pluie a cessé, nous avons remballé nos affaires. Nous avons attaqué directement par une ascension sur un sentier très irrégulier. Le guide explique : "grimper à gauche par la piste qui conduit au col de la Grande-Côte". Pour dire les choses simplement, c’est mauvais signe quand dans la même phrase il y a les mots "grimper" et "Grande-Côte"... Le seul point positif, c’est que nous avions eu un peu froid durant la pause et que nous avons vite pu retirer nos pulls pour poursuivre la grimpette en t-shirt.

Une fois au sommet, nous avons manqué de jugeotte et avons poursuivi sur le sentier plutôt que de suivre la route. Il descendait de façon très raide et était tout aussi caillouteux et irrégulier que les montées précédentes. Comme en plus il venait de pleuvoir, c’était par endroits glissant. J’ai rouspété car ça me faisait mal aux pieds et que la progression était pénible, alors que nous aurions pu marcher sur la route peu fréquentée, lisse et moins pentue si nous avions réfléchi un court instant… Heureusement, la descente n’était pas trop longue et se poursuivait sur la route jusqu’à Cruas. 

Cruas

A l’entrée de ce village, d’immenses façades en ruines encadraient la route. Nous nous demandions ce que ça pouvait bien être, relevant uniquement leur style industriel évident. Une petite plaquette a répondu à nos interrogations : une ancienne cimenterie. Le village était réputé à l’époque pour ses pierres et son ciment. Avec le déclin de l’industrie, ce bâtiment a été abandonné et partiellement démoli en 1936. Il reste toutefois quelques usines de ciment et de chaux toujours en activité.

Au centre de Cruas, nous avons constaté que le village avait dû être très riche à une époque. Il comporte une grande abbatiale et les ruines d’un château la surplombe. Les maisons en pierres sont encore nombreuses et ravissantes. Cependant, il semble que le village a perdu de sa splendeur par la suite, comme en témoignent des constructions sans charme et dans un piteux état. Des chantiers paraissent indiquer qu’on travaille à la restauration du village historique et j’espère qu’il aura vite retrouvé de sa superbe.

Nous étions à l’heure pour le bus et avons ainsi pu rejoindre Montélimar en milieu d’après-midi. Nous avons rapidement trouvé notre hébergement : un studio avec une kitchenette afin de pouvoir cuisiner un peu. Comme nous y séjournerons deux nuits en raison du manque d’hôtels en Ardèche, nous pourrons voyager léger demain.