Nous avons quitté l’hôtel et avons pris un bus pour retourner à Salhöhe où nous avons commencé à marcher vers 9 heures. Alors que le ciel était complètement bouché au-dessus d’Aarau, nous avons été heureux de nous retrouver juste au-delà du brouillard et de profiter du soleil. Assez rapidement, nous avons emprunté un chemin qui montait dans une forêt. Un panneau indiquait qu’à 45 mètres se situait le point culminant du canton d’Argovie. Pour cette distance ridicule, nous avons été d’accord de faire un petit détour. Il nous semblait surtout qu’il doit s’agir d’un des points culminants cantonaux les plus abordables avec ses petits 908m d’altitude.
Le chemin quittait ensuite l’Argovie et continuait à monter, slalomant entre les cantons de Soleure et Bâle-Campagne.
Après quelques kilomètres, nous avons quitté la forêt pour rejoindre des pâturages. La traversée d’un alpage plein de vaches s’est révélée un peu stressante quand deux d’entre elles ont voulu voir Logan de plus près. Heureusement, il n’y avait pas de veaux, qui sont d’habitude encore plus curieux, très joueurs et protégés par leurs tendres mères…
A Hauenstein, nous avons fait une petite pause vers midi, avant de repartir pour une interminable ascension. La pente n’était pas trop sévère, mais très régulière et à chaque courbe nous espérions apercevoir un replat, en vain. Après de longues minutes ainsi, nous avons finalement atteint le sommet de cette route pour entreprendre une descente tout à fait identique sur plusieurs centaines de mètres. Par chance, la température était très agréable dans la forêt et le sol régulier nous permettait de progresser rapidement.
A Challhöchi nous avons décidé de poursuivre un peu l’effort et de faire la pause de midi au banc suivant. Nous étions tous les deux en forme et préférions laisser moins de kilomètres pour l’après-midi. Nous avons aperçu plusieurs constructions et infrastructures militaires : stand de tir, blocs de béton anti-chars, bunker mal dissimulé, entrées suspectes dans les falaises, etc. La petite route forestière étant alors goudronnée, contrairement à toutes les autres en terre, nous avons pensé qu’elle avait aussi dû être réalisée par et pour l’armée. De nombreux blasons de différentes compagnies gravés et peints sur les rochers ont confirmé cette hypothèse, ainsi que notre guide qui précise que la route a été bâtie en 1915 pour protéger le territoire suisse d’une invasion allemande. Il ne serait pas étonnant que les rochers escarpés qu’elle longe soient troués comme un Emmental, pleins de galeries militaires. Peut-être que nous ne sommes pas supposés révéler les emplacements stratégiques de défense de notre pays, mais si tel est le cas, il est inquiétant que nous ayons remarqué tous ces détails fort mal dissimulés alors que nous sommes connus pour ne jamais trouver le moindre monument le long des chemins que nous parcourons…
Au terme d’une nouvelle ascension interminable sur cette route militaire, nous avons presque atteint le Belchenflue. A une intersection, un panneau précisait qu’il fallait encore compter dix minutes pour le sommet, une “rude montée” d’après le guide. Sans façon. S’il s’était agit du point culminant de Soleure, nous aurions peut-être envisagé d’entreprendre cet effort, mais là tant pis. Cela faisait déjà une heure que nous avions décidé de faire une pause au prochain banc, mais ce bougre n’existait visiblement pas et il n’y avait pas non plus d’endroit sympathique où s’arrêter. Nous avons donc entamé la descente, puis avons quitté le chemin n° 5.
Comme nous n’avons pas suivi précisément les étapes proposées dans notre guide, nous nous retrouvions un peu coincés. Le chemin parcourt essentiellement les crêtes des collines, ce qui est tout à son honneur et d’une pertinence inouïe vis à vis de son nom, mais cela implique qu’il ne traverse ainsi que de très rares agglomérations. Il s’avère alors difficile de trouver des hébergements ou même des arrêts de bus et cela rend toute modification du parcours problématique puisqu’il y a parfois 10 ou 15 kilomètres dans la nature sauvage et hostile. En étudiant la carte, nous avons remarqué que nous pouvions quitter le chemin des crêtes et descendre dans la vallée 10 kilomètres avant Balsthal afin de rejoindre des villages desservis par des bus. Cela raccourcissait l’étape de 4 kilomètres et supprimait quelques ascensions, mais nous permettait surtout de prendre un bus une heure avant Balsthal et d’y revenir demain matin.
Plus nous approchions du village de Langenbruck, plus nous ressentions le besoin de faire une pause. Logan commençait à fatiguer et se couchait dans des coins d’ombre en nous regardant avec insistance, ne comprenant pas pourquoi nous ne nous asseyions pas à côté d’elle dans les ronces humides. Le premier banc que nous avons aperçu était en plein soleil au milieu de nulle part, le suivant à quelques centaines de mètres du village. Nous avons donc décidé de rejoindre les maisons et de faire une pause vers l’église, où nous étions sûrs de trouver un endroit idéal et de pouvoir remplir nos gourdes presque vides. Dans les villages, le cimetière est presque tout le temps accolé à l’église. Et dans un cimetière, il y a toujours de l’eau potable. Il y a également souvent des bancs et ce sont des coins paisibles. En plus, les églises présentent l’avantage d’être repérables de loin : pas besoin de tourner en rond pour les trouver ! Comme nous le supposions, nous avons trouvé un petit banc à l’ombre et au calme dans un coin du cimetière proche de l’entrée de l’église. Il était déjà 15 heures et nous étions heureux de faire une pause et dîner !
En repartant, nous avons profité de toilettes publiques impeccables, puis avons suivi une petite route à flanc de côteau. Puisqu’il nous restait un peu moins de deux heures jusqu’à Balsthal, nous avons décidé de marcher jusque là au lieu de nous arrêter comme initialement prévu au village précédent. Nous avons foulé une route romaine aux larges dalles creusées par les charrettes antiques et aperçu une jolie couleuvre qui ondulait allègrement et semblait honorée de faire glisser son bidon sur ces pavés historiques.
A Balsthal, nous avons rejoint notre ravissant hôtel au centre du village. Il occupe l’ancien grenier à céréales, entièrement retapé mais qui conserve tout son charme avec ses larges solives ancestrales, ses cadres de fenêtre en pierre et ses murs très épais. Il était 18h et nous étions heureux de pouvoir prendre une douche et nous reposer !