Dans les vignobles

Après quatre nuits à Cividale, il était temps de remobiliser nos braves sacs Yvon et Curdin et de repartir en direction de la mer. Nous avions profité de cette escale en ville pour faire le plein de croquettes pour Logan et avions dû de surcroît emporter trois pique-niques : autant dire que nous étions chargés !

Par chance, la météo qui prédisait un soleil radieux et des températures au-delà de 35°C n’avait pas anticipé la venue des nuages qui ont voilé le ciel toute la journée. Nous avons ainsi pu marcher dans des conditions plus agréables et même Logan n’a pas pâti de la chaleur.

Nous avons rapidement délaissé les maisons de Cividale pour arpenter une route dans la campagne. Au fil de l’étape, les champs de tournesols ou de céréales ont cédé leur place à de grands vignobles et de nombreuses caves splendides étaient disséminées sur les collines tout au long du chemin. Quelques passages en forêt et la traversée de hameaux paisibles ont fini de rendre cette étape plaisante. Comme hier, cette journée aurait pu être bucolique et sans grand intérêt pour le lecteur avide de rebondissements mais par bonheur quelques mésaventures ont ponctué notre marche.

Les mésaventures

A la sortie d’un bosquet, nous avons rejoint une route dont le goudron venait d’être refait. Il s’agissait d’un tout petit tronçon mais il y avait ensuite des traces de goudron frais étalé par des véhicules sur une bonne centaine de mètres. Nous n’avons pas réalisé tout de suite que ces coulures étaient encore liquides mais au fur et à mesure que nous avancions nous sentions nos semelles coller à la chaussée et nous avons commencé à nous inquiéter pour Logan. Un camion manœuvrait sur la route et un monsieur en orange au bord du chantier nous a dit que nous ne pouvions pas aller plus loin car les travaux s’étendaient encore sur plusieurs centaines de mètres. Puisque nous ne souhaitions pas imposer à Logan un pas de plus sur cette poix, nous avons bifurqué dans une vigne plutôt que de revenir en arrière. Le problème, c’est que la vigne en question ne menait visiblement nulle part hormis une forêt. Nous avons été très étonnés en apercevant un large tunnel dans les branchages alors que nous approchions des arbres : un sentier s’ouvrait devant nous. La déception de ne pas avoir à tailler à la machette un passage dans la végétation hostile a vite été remplacée par un certain soulagement quand nous nous sommes souvenus que nous ne possédions pas de machette. Nous nous sommes enfoncés dans la forêt et avons choisi au pif notre direction lorsque plusieurs options s’offraient à nous. Petit à petit, nous ne suivions plus qu’un indistinct reliquat de piste et les ronces nous lacéraient facétieusement les mollets. Nous avons malgré tout rejoint une route, sommes partis dans la direction la plus logique et avons été heureux de retrouver presque aussitôt les balises de l’Alpe Adria Trail que nous allions délaisser. 

Nous sommes gênés de l’annoncer une fois encore, mais nous avons en effet décidé de modifier un peu les étapes. Il faudra que nous songions à renommer ce voyage “brefs passages sur l’Alpe Adria Trail et randonnées choisies”... Le tracé officiel repart en Slovénie, ne traverse que des localités tout à fait insignifiantes et prévoit 55 kilomètres en trois jours entre Cividale et Cormons. Nous avons dès lors préféré parcourir 20 kilomètres en moins en suivant d’autres chemins de randonnée.

Nous étions quelque peu perdus à la suite de notre excursion dans les bois, ne sachant pas vraiment où nous avions rejoint le Trail. Nous avons alors choisi de suivre les panneaux routiers jusqu’à Prepotto et y avons fait notre pause de midi. En repartant, nous savions que nous devions délaisser la route pour un chemin en terre. Après quelques dizaines de mètres, nous avons commencé à douter et avons étudié les captures d’écran de l’itinéraire que nous avions préparé. Nous avons réalisé que nous aurions dû tourner à gauche à l’arrêt de bus et sommes revenus sur nos pas. Un joli sentier partait effectivement à gauche et nous l’avons suivi dans une forêt et une vigne avant qu’il ne s’arrête subitement. Nouvelle analyse de la carte, nous nous exclamons “Ah ben oui ! on est bien sur le petit trait qui s’arrête au milieu de nulle part !”, retour à l’arrêt de bus et nous partons sur le chemin un peu moins à gauche qui nous avait d’abord semblé être la voie d’accès à la seule maison du carrefour. C’était le bon, évidemment, puisque nous avions déjà testé à tort toutes les autres pistes… Nous avons alors gravi une colline dans de jolis vignobles avant de pénétrer dans un bois. A un moment, une biche a déboulé des fourrés sur notre gauche et a traversé le chemin à quelques mètres de nous. Logan a couru après elle avant que nous n’ayons le temps de la retenir mais ne l’a pas suivie dans la forêt trop dense. Elle pleurait là où la biche venait de disparaître et n’a pas vu le faon qui suivait sa mère et s’était arrêté sur le sentier en voyant le danger. Plaqué au sol, il s’était immobilisé à un mètre de Logan. Nous nous sommes empressés de l’attraper et de nous éloigner pour ne pas prolonger le stress de ces pauvres bêtes.

Aux différents embranchements, nous avons choisi au hasard le chemin puisque nous ne savions plus précisément où nous nous situions sur la carte. La direction nous semblait pertinente mais nous n’avions aucun repère à disposition. Peut-être n’avons-nous pas emprunté l’itinéraire prévu, mais toujours est-il que nous avons atteint l’agritourisme où nous dormons cette nuit. Il s’agit d’une maison isolée au milieu des vignes et nous en sommes les seuls clients ce soir.

Durant l’après-midi, nous avons tenté plusieurs techniques pour nettoyer le goudron accroché aux coussinets de Logan, sans grand succès. Elle ne semble toutefois pas gênée et a longuement joué avec le chien de la maison alors nous ne nous inquiétons pas trop. Nous avons lu puis pique-niqué sur la terrasse de notre chambre en admirant le beau coucher de soleil sur les collines. Il est temps désormais pour moi de clore cet article et d’aller dormir.