Jusqu'à la mer

Nous souhaitions partir tôt car les températures s’annonçaient une fois de plus élevées. A 7 heures, nous avons rejoint la salle du déjeuner mais au lieu d’un buffet, ils servaient à table ce que nous désirions. Ils n’amenaient que des petites portions pour que nous puissions déguster un maximum de choses et nous avons donc mangé nos tartines en attendant après chaque tranche de pain qu’ils fassent griller et nous apportent la suivante. Nous n’avons ainsi pris la route qu’après 8 heures.

Pour quitter la ville, nous avons traversé l’Isonzo, fleuve que nous connaissons depuis sa prime enfance, à l’époque où il se nommait encore Soča. Un peu de nostalgie forcément en revoyant ce poupon si pur devenu un adolescent révolté et pas très propre…

Nous avons rencontré un couple de notre âge affublés de lourds sacs-à-dos et avons échangé quelques paroles. Ils parcourent également l’Alpe Adria Trail et sont donc logiquement allemands. Ils nous semblaient un peu trop impeccables et en galère pour marcher depuis longtemps mais ils allaient trop lentement pour que nous puissions en savoir plus sur leur sans nul doute palpitante aventure. Quelques mètres après les avoir dépassés, nous avons vu une jolie tortue au milieu du chemin. Nous ne sommes pas restés pour savoir qui d’elle ou des Allemands atteindrait le sommet en premier, mais nous aurions misé une pièce sur la tortue…

Une fois de plus, nous avons adapté l’itinéraire pour parcourir dix kilomètres en moins que la variante officielle. Aujourd’hui, leur objectif était visiblement d’éviter absolument tous les villages pour parcourir plus de trente bornes dans les bois et faire ensuite le plus grand détour possible à Duino. Nous avons préféré traverser quelques lieux habités entre les passages en forêt et n’avons nullement regretté notre choix. Stefanie, que nous avons revue ce soir à l’hôtel, est partie à 5h30 ce matin pour éviter la chaleur de l’après-midi et nous a dit avoir trouvé l’étape à la fois interminable et d’une monotonie inouïe. Elle n’a de plus eu aucune possibilité de remplir ses bouteilles d’eau et a eu de la chance de croiser des gens en voiture qui lui en ont fourni. Bien que nous ayons pu remplir les nôtres à une fontaine, il faisait tellement chaud que nous avons fini l’étape avec juste un fond de gourde à la température idéale pour un thé.

Non-lac et non-poteries mais quelques bunkers

Les forêts n’apportaient que peu de fraîcheur puisqu’elles étaient composées de végétation sèche et de petits arbres malingres. Nous nous réjouissions de contourner un lac en espérant que Logan puisse s’y baigner pour se rafraîchir mais sommes restés consternés en découvrant une vaste étendue de roseaux mais pas la moindre goutte d’eau… Puisque nous aussi nous commencions à trouver le parcours ennuyeux, nous avons choisi de nous écarter de notre itinéraire pour suivre un panneau de randonnée locale jusqu’à un sommet portant le doux nom de Gorjupa Kupa. Sur notre carte, il y avait des symboles de poterie à cet endroit et cela nous semblait fort exaltant. Désillusion complète : nous n’avons trouvé aucune jarre, aucun atelier de potier, aucune mosaïque. Pas le moindre reste de quoi que ce soit. En réalité, nous ignorons même si nous avons atteint ledit sommet puisqu’aucun autre panneau n’était présent et nous avons ainsi dû errer au hasard sur cette colline.

Par la suite, la carte mentionnait de nombreuses grottes et bunkers datant de la première guerre mondiale et nous en avons repéré quelques-uns, ainsi que ce qui nous semblait être des tranchées. Ces témoins discrets des terribles conflits qui ont eu lieu ici il y a cent ans ne sont toutefois pas signalés ou mis en valeur alors nous en avons certainement raté la majorité.

A la mer

La fin de l’étape s’est déroulée sur des chemins de pierres plutôt fatigants. Comme les gravillons brûlants se glissent entre les coussinets de Logan, ce terrain est également pénible et douloureux pour elle, d’autant plus que ses pattes sont irritées depuis qu’elle ne cesse de les lécher pour en retirer les résidus de goudron… Elle souffrait également de la température, l’ombre étant quasiment inexistante sur cette partie.

Parvenus au sommet d’une butte, nous avons aperçu la mer au loin. D’un bleu intense et découpée par les pins parasols, elle offrait un spectacle de carte postale. Il ne nous restait dès lors plus qu’à descendre jusqu’à elle sur un chemin en pierres et sous une chaleur accablante.

Une fois à son niveau, nous avons rejoint un sentier forestier plus frais qui contournait quelques canaux dans lesquels Logan a pu se baigner. Nous sommes ressortis des bois à Duino et avons immédiatement atteint notre hôtel.

Nous avons pris une douche et nous sommes reposés un peu avant d’enfiler nos maillots de bain et de ressortir visiter le village et plonger dans la mer. Quelle n’a pas été notre déception quand nous avons réalisé que le château fermait à 17h30 et qu’il était 17h35 ! Nous avons alors poursuivi jusqu’au bord de mer pour découvrir qu’il n’y a pas de plage à Duino, hormis quelques mètres carrés de cailloux auxquels on peut accéder contre 8 euros et sur lesquels il aurait été difficile d’allonger plus de dix personnes. Sans doute cet espace paraîtrait-il immense si j’avais compté le nombre de crevettes qui peuvent s’y prélasser simultanément, mais puisque nous ne sommes nous-mêmes pas des crustacés la pertinence de cette mesure aurait été moindre. C’était donc très petit et caillouteux. Quelques mètres plus loin, ce qui fait office de plage publique ne nous a guère plus enthousiasmés : des dizaines de personnes bronzaient sur la digue de rochers abritant la marina. Nous avons préféré faire demi-tour et espérons qu’il y aura de plus belles possibilités de baignade à Muggia ou Trieste.

Ce soir, nous avons mangé à la table voisine de Stefanie et avons savouré un fritto misto et des spaghetti allo scoglio dont nous rêvions depuis plusieurs semaines. Elle nous a raconté qu’elle avait vu un petit ours très tôt ce matin ! Elle ne s’est cependant pas attardée pour l’observer car elle craignait qu’après le petit ours n’arrive une plus grande ourse. Notre rencontre avec la tortue nous a subitement paru bien négligeable…