Chemins historiques

Aujourd’hui, nous avons quitté l’Italie pour retourner en Slovénie et découvrir l’un des plus vieux centres équestres au monde.

Nous nous sommes empressés de fuir le taudis qui nous servait de chambre et nous sommes engagés sur une route piétonne nommée Strada Napoleonica ou Vicentina. Elle tient ses noms respectivement d’une légende selon laquelle elle aurait été foulée par les troupes de ce bon vieux Napoléon, ou plutôt de Vicentini, l’ingénieur qui avait imaginé son tracé 24 ans après le soi-disant et donc improbable passage d’une armée. Les travaux s’étant révélés bien trop coûteux, la construction avait été interrompue après 200 mètres creusés dans la roche. Cette partie est aujourd’hui goudronnée et les parois à-pic sont parsemées de voies d’escalade. Le reste du chemin, long de trois kilomètres, est recouvert de gravier et n’a été réalisé que plus tard par le club alpin local. La route se situe dans une jolie forêt implantée au cours du 19e siècle et qui paraît désormais naturelle à nos regards peu avertis. Nous avons profité tout le long d’une belle vue sur la baie de Trieste et étions soulagés de parcourir ce tronçon tôt le matin plutôt qu’en milieu de journée où il aurait été entièrement exposé au soleil. Malgré la beauté du paysage et l’intérêt historique de cette voie, nous étions néanmoins contents d’apercevoir l’obélisque d’Opicina qui en marque la fin. Les crouch-crouch du gravier sous la semelle devenaient en effet un peu lassants.

Sentiers éducatifs

Nous avons ensuite eu tout le loisir de pester contre les personnes dénuées de bon sens qui ont balisé l’Alpe Adria Trail : il fallait parfois regarder derrière nous pour trouver des indications et certaines flèches à des embranchements pointaient vers plusieurs sentiers. Quoi qu’il en soit, nous sommes parvenus à ne pas nous égarer aujourd’hui et avons traversé quelques petits villages entre des passages en forêt. Plusieurs panneaux expliquaient l’histoire et la géologie du Karst, dont un qui débutait par cette phrase empreinte de perspicacité : “Les murs en pierres sèches et les constructions en pierres sont typiques des régions pierreuses.” D’autres racontaient les difficultés liées aux frontières et aux conflits qui ont marqué cette zone depuis des siècles et plus particulièrement ces dernières décennies. Avec les guerres mondiales puis la Yougoslavie, Trieste et sa région n’ont cessé de changer de mains et de voir leurs frontières se déplacer et se fermer. Il nous semblait insensé d’imaginer que les sentiers bucoliques que nous empruntions si paisiblement avait été jusqu’à récemment surveillés minutieusement par les armées et soumis à des règles de passage très strictes…

Sur les derniers kilomètres de l’étape, un sentier didactique a été aménagé et il était mentionné qu’il était particulièrement adapté aux personnes aveugles. En le parcourant, nous avons eu beaucoup de doutes quant à la bienveillance des autorités ayant décrété cela, car il nous semblait qu’il s’agissait surtout d’un excellent moyen de réguler la population de personnes non-voyantes… Des poteaux tout au long du chemin envoient des ondes infrarouges qui permettent d’orienter les personnes munies de boîtiers et leur fournissent des informations audio, mais le sol demeure pierreux et très irrégulier par endroits et des orties pimentent la progression de ceux qui voudraient se guider à l’aide des barrières. Les panneaux explicatifs ne sont pas traduits en braille et certaines flèches indiquaient la direction à emprunter avec une icône d’un bonhomme tenant une canne que forcément seuls les personnes voyantes peuvent suivre… 

Lipica

Nous avons atteint Lipica en tout début d’après-midi. Au sommet d’une colline se dressent plusieurs constructions qui composent un centre équestre et un complexe hôtelier avec restaurants, casino et golf. Après avoir pris possession de notre chambre, bien plus coquette et confortable que celle d’hier, nous avons visité le haras en compagnie de Stefanie et d’une guide. Il a été fondé en 1580 et donne son nom à la race de chevaux lipizzans dont nous ignorions jusqu’alors l’existence mais qui est apparemment très noble et réputée. Il s’agit des seuls chevaux qui changent radicalement de couleur, puisqu’ils naissent noirs ou brun foncé et deviennent progressivement blancs. La visite s’est avérée très intéressante et instructive et nous avons ensuite assisté à la rentrée des juments et de leurs poulains. Nous avons ainsi vu défiler une cinquantaine de chevaux pressés de rejoindre l’écurie dans un spectacle aussi majestueux qu’impressionnant.